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La Nuit de Gutenberg de Philippe Manoury à l’Opéra national du Rhin - Eclairée par la musique - Compte-rendu
L’Opéra national du Rhin présente en ouverture de saison et en création mondiale La Nuit de Gutenberg, quatrième opéra de Philippe Manoury (1) donné dans le cadre du Festival Musica, manifestation qui met chaque année à l’honneur la musique d’aujourd’hui. Avec cette œuvre de plus d’une heure en un prologue et douze tableaux sur un livret de Jean-Pierre Milovanoff, le compositeur entend « placer la réflexion sur la place de l’écrit et son rôle dans la transmission des connaissances à l’ère d’internet ». On traverse ainsi les siècles depuis l’époque sumérienne jusqu’au café internet. Gutenberg, personnage central de cette méditation, apparaît dans tous ses états, depuis l’invention de l’imprimerie à Strasbourg, son jugement à Mayence où, pour dettes, il fut spolié de ses biens, la place de l’écrit dans la société contemporaine face au Veau d’or symbolisée par internet.
Dans une mise en scène dépouillée du Japonais Yoshi Oida, les personnages placés au sein d’une action simpliste et sans relief théâtral (les scribes brisant les tablettes cunéiformes, le procès de Gutenberg, des scènes d’autodafé) s’agitent entre Histoire et scènes de la vie actuelle (l’entrée d’un café internet, lieu de communication voire de débauche). On apprécie d’autant plus la prouesse vocale de la basse Nicolas Cavallier, impérial dans un rôle-titre sans véritable tonalité dramatique. La soprano Mélanie Boisvert en Hôtesse est très en verve dans une déclamation parfois proche de celle de la Reine de la nuit. La basse coréenne Young-Min Suk s’impose avec solidité en juge du Tribunal, tandis que la mezzo-soprano Eve-Maud Hubeaux incarne une Folia débridée.
Dans le sillage du Moïse et Aaron de Schoenberg, Philippe Manoury écrit somme toute un anti-opéra où la place du livret devient quasi extérieure à la musique. L’Orchestre Philharmonique de Strasbourg dirigé par Daniel Klajner, comme l’électronique en temps réel du logiciel de l’Ircam, participent à la réalisation du projet. La beauté factuelle de cette partition multiforme, virtuose, parfois stellaire d’où émergent des éclats d’une grande intensité (la scène finale où Folia évoque la destinée de Gutenberg), est superbement rendue ; mais malgré tout, l’osmose entre théâtre et musique ne fonctionne pas véritablement.
Michel Le Naour
Philippe Manoury : La Nuit de Gutemberg. Strasbourg, Opéra national du Rhin, 24 septembre 2011(création mondiale), puis les 27 et 29 septembre et le 8 octobre à Mulhouse (La Filature).
(1) Le résultat d’une commande de L’OnR, de l’Etat et du Fonds de Création Lyrique.
Rens. : http://www.operanationaldurhin.eu/opera-2011-2012--la-nuit-de-gutenberg....
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Photo : Alain Kaiser
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