Nouveau venu dans le paysage des festivals français, « L’Esprit du Piano » est né de la volonté de Paul-Arnaud Péjouan d’implanter une manifestation pianistique à Bordeaux. Une initiative d’autant mieux venue que, si la capitale de l’Aquitaine est bien servie en matière d’opéra et de musique symphonique, un vide y restait à combler dans le domaine du clavier. Lancé l’an dernier grâce à l’appui de la Fondation BNP-Paribas et en partenariat avec l’Opéra National de Bordeaux, « L’Esprit du Piano » a marqué d’emblée un grand coup avec une première édition organisée autour de d’Aldo Ciccolini, entouré d’artistes de la nouvelle génération.

Une figure tutélaire et une demi-douzaine de jeunes interprètes : tels sont les ingrédients d’une manifestation qui n’inscrit pas la multiplication à tout va du nombre de concerts parmi ses objectifs. Comme pour de grands crus, on prend le temps ici de savourer chacun des programmes des personnalités invitées.

Et l’édition 2011 n’en manque pas, à commencer par Joaquin Achucarro ( né en 1937) (photo), immense figure du piano espagnol au même titre que feue sa grande amie Alicia de Larrocha mais que la France, par l’un de ces phénomènes de myopie dont elle a le secret, continue de trop méconnaître – l’interprète serait pourtant plus digne de certaines séries parisiennes que les produits marketés qu’on nous y sert parfois… Simon Rattle et l’Orchestre Philharmonique de Berlin ne s’y sont pas trompés eux, qui ont fait appel l’an dernier à Joaquin Achucarro pour un enregistrement en DVD des Noches de Manuel de Falla, tout comme Colin Davis et le LSO pour le Second Concerto de Brahms en 2009(2). C’est toutefois non pas dans le répertoire hispanique où il excelle (son enregistrement des Goyescas compte parmi les plus précieux avec ceux de Del Pueyo et Larrocha), mais dans Bach Busoni, Beethoven et Ravel – son « cher » Ravel – que le maître émerveillera le public bordelais.

Ancien élève italien d’Achucarro, désormais installé aux Etats-Unis, Alessio Bax n’est guère connu chez nous non plus. Tandis qu’un très beau CD Rachmaninov ( Signum classics) arrive sur le marché français, « L’Esprit du Piano » permet de l’entendre dans ce qui constitue, sauf erreur, son premier grand récital en France. Une découverte passionnante s’annonce là, comme avec Yuri Favorin dont le partenariat du festival bordelais avec le concours Reine Elisabeth (il a obtenu le 4ème Prix en 2010) explique la présence.

Une jeune génération par ailleurs représentée par David Bismuth, dans un original programme autour de Bach, Wu Mu Ye et Florian Noack, virtuose belge de vingt ans en plein essor dont le récital comporte entre autre la création de la Suite sur les thèmes d’Aleko. Il n’est plus nécessaire en revanche de présenter Bertrand Chamayou que le bicentenaire Liszt a définitivement placé aux tout premiers rangs des pianistes de sa génération grâce à des Années de pèlerinage (3) que l’interprète aura données en concert près d’une trentaine de fois en France et dans le monde en 2011.

Deux jours avant son concert du 28 novembre TCE à Paris, Chamayou sera l’hôte du Grand Théâtre pour une intégrale qui, par-delà la performance pianistique, invite à une soirée de musique d’une densité poétique peu ordinaire que l’interprète a pu définir comme « un mini-opéra en trois actes et vingt-six tableaux ».


Le jazz enfin trouve aussi sa place à L’Esprit du Piano et au plus haut niveau : à Jacky Terrasson revient la clôture du 2ème Festival.

Alain Cochard

1 DVD Opus arte

1 DVD Euroarts

Superbe, l’enregistrement du corpus par Chamayou vient de sortir chez Naïve.

2ème Festival « L’Esprit du Piano »

Du 22 au 29 nombre 2011

Bordeaux (Grand Théâtre, Théâtre Femina, Eglise Notre-Dame, Rocher de Palmer)

Programmation détaillée : www.espritdupiano.fr

Rés. : 05 56 00 85 95 / www.opera-bordeaux.com

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Photo : DR