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La Chronique de Jacques Doucelin - Entre Qatar et cata(strophe) annoncée…
C’est qu’ils vous ficheraient le bourdon en guise de vœux nos confrères de la presse spécialisée ! Ils se prennent tout soudain pour des économistes et se mettent à broyer du noir dans leurs éditoriaux de fin d’année en prophétisant les pires serrages de ceintures ! Outre qu’après tout le pire n’est jamais sûr – tout comme le mieux d’ailleurs… - et sans vouloir donner de conseil à personne, il serait peut-être plus utile à la planète musique d’y considérer avec attention ce qui est en progrès et ce qui y stagne, afin de mieux distinguer les atouts des uns et des autres pour affronter des lendemains qui - c’est l’évidence ! – ne chanteront pas partout victoire.
Et bien, votre serviteur qui a la chance d’assister à de nombreux concerts parmi l’énorme masse (il n’y en a jamais eu autant à Paris depuis plus d’un siècle) qui s’offre à l’appétit des mélomanes ne pensait pas devoir un jour s’émerveiller ainsi devant la qualité remarquable des jeunes interprètes qui fournissent le sang neuf qui irrigue régulièrement des institutions séculaires leur conférant d’un coup cette jeunesse après laquelle court toujours le bon vieux Docteur Faust. Ce n’est pas là l’impression complaisante d’une oreille nationaliste, car la mondialisation de la vie musicale, qui n’a pas attendu celle des marchands de soupe, permet d’entendre dans nos salles les phalanges internationales les plus justement renommées à côté des nôtres. Et donc de comparer.
Nous n’avons pas de complexe à faire quant au résultat musical, pour peu qu’un grand maître ou un vrai éleveur d’orchestre vienne motiver nos musiciens. Cette fin d’année nous en a présenté un éventail fourni en forme d’arc en ciel où je piquerai quelques exemples significatifs. C’est d’abord les retrouvailles émues de l’Orchestre National de France avec Kurt Masur pour un festival Richard Strauss d’une intensité rare. Puis, les prestations en remarquable progrès de l’Ensemble Orchestral de Paris qui prendra le nom d’Orchestre de chambre de Paris dès l’an prochain pour mieux souligner sa nouvelle orientation. Sans compter l’équipe de Toulouse montée à Paris avec son jeune capitaine russe Tugan Sokhiev qui profite habilement du lifting d’un Capitole qui brille de tous ses feux salle Pleyel.
C’est une mue non moins convaincante qu’a entrepris l’Orchestre de Paris avec son nouveau patron Paavo Järvi l’une des personnalités majeures de la scène parisienne : il a réussi à transfigurer le jeu des musiciens, les violons étant les plus méconnaissables. L’essentiel reste l’évident bonheur à jouer ensemble, qui propulse d’un coup notre phalange de prestige au niveau international : un déclic qu’on aura attendu longtemps et entendu avec bonheur sous la baguette de James Conlon – encore un grand chef trop discret pour ce siècle de « communicants » - dans un programme inventif : Barber, Debussy, Poulenc. Le premier ne refuse pas le mélange des genres dans l’ouverture de L’école du scandale pas plus que dans son Concerto de violon transfiguré par un Gil Shaham déchaîné. On plane sur les nuages des trois Nocturnes de Debussy avant de retrouver la gouaille chère à Poulenc dans un Gloria joliment confié à Patricia Petibon.
Avec Boulez, c’est du sérieux dans son programme fétiche début XXe siècle, Schoenberg et Bartok, offert pour Noël sous la Pyramide du Louvre avant Pleyel. Ce beau geste d’un maître de 86 ans est l’occasion du déchaînement de haine des « veuves Landowski» contre Boulez. On se demande combien de temps encore vont durer ces mômeries d’un autre âge, qui n’intéressent plus personne sauf ceux dont c’est devenu l’unique « raison sociale ». Dans leur acharnement monomaniaque, ces pauvres gens ne se rendent même pas compte que Boulez par sa fidélité affichée à l’Orchestre de Paris rend le plus bel hommage qui soit à la réforme de Marcel Landowski !
Preuve en tout cas, que la vie musicale française ne se porte pas si mal que cela et qu’elle n’abordera pas la crise financière sans biscuit. Et puis, quand on voit l’argent du gaz et du pétrole moyen oriental venir s’investir dans nos clubs sportifs, on ne désespère pas, après le clone du Musée du Louvre à Abu Dhabi, de voir un jour tel émir s’intéresser à nos ballerines et à nos musiciens. Après tout, les fameux janissaires chrétiens de la Sublime Porte ont produit de l’excellente musique turque pour la plus grande gloire du sultan… et de Mozart !
Jacques Doucelin
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Photo : DR
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