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Lohengrin à l’Opéra de Toulon - Celui qu’on n’attendait plus… - Compte-rendu
Inutile de surcharger la symbolique de Lohengrin : elle est bien assez évidente – dieux et héros, spiritualité et ésotérisme chrétiens face aux résurgences d’un paganisme barbare, érotisme et platonisme, nuit et lumière, enfin une germanité grondante prête à exploser. C’est donc avec un bonheur total qu’on se laisse emporter au cœur de ces forces avec pour guide la claire mise en espace - en fait une vraie mise en scène - de Frédéric Andrau, scénographiée par Luc Londiveau, sur le plateau de l’Opéra de Toulon. Un événement pour la maison, et une vraie réussite tant on est heureux d’être, sans tomber dans le caractère ingrat des versions de concert avec lunettes, pupitre et bouteille d’eau, libéré des tentatives extravagantes qui tentent de revivifier les œuvres à coup de persiflages et d’enfantillages, comme les récents Faust et Manon de l’Opéra de Paris, vraies blessures infligées au public et aux compositeurs. Bravo donc pour cette scène structurée de registres d’ombres et de lumières bleues, avec juste quelques dénivellations qui permettent le positionnement des solistes et des choristes et dégagent les lignes de force.
On a surtout apprécié la caractérisation psychologique très éloquente du quatuor : pureté foudroyante de Lohengrin le blanc face au mal absolu incarné par Ortrud, néant de Telramund, humain égaré entre ses devoirs et ses passions, enfin innocence flottante et dupée d’Elsa. Autant que des valeurs métaphysiques, l’affrontement des faibles et des forts, dégageant notamment le côté looser de Telramund, possédé par la passion érotique qui l’enchaîne à sa sorcière : un couple fusionnel, en regard de l’attirance contenue, presque paralysante d’Elsa et de Lohengrin, anticipant sur l’inexistence de leur union. Cette vision intelligente est portée, magnifiée par de superbes interprètes, parfaitement complémentaires. Malgré des changements de distribution de dernière minute, et non des moindres puisqu’il s’agissait d’ Elsa et Ortrud, le directeur, Claude Henri Bonnet, a pu rassembler une distribution de premier ordre, où brillait l’Elsa inspirée et puissante de Riccarda Merbeth, le Telramund au beau timbre clair, à la présence sensible et émouvante d’Anton Keremidtchiev, très loin des sombres figures habituelles, tandis que Janice Baird compensait par son tempérament volcanique les difficultés qu’impose ce rôle de mezzo à ses aigus de soprano. Mais la meilleure surprise est venue de celui qu’on espérait sans y croire, tant les ténors capables de l’incarner sont rares, le Lohengrin de Stefan Vinke, chanteur de bonne réputation mais qu’on connaît mal en France : des aigus clairs et scintillants, quoiqu’un peu affaiblis vers la fin, une présence à la fois charnelle et translucide, un charme singulier.
Tout cela ne serait rien sans la puissante baguette, l’énergie et charisme de Giuliano Carella qui fédère et obtient des merveilles de l’Orchestre de l’Opéra de Toulon, transcendé par l’aventure, y jetant tout, même ses défauts, à commencer par les cuivres. Reste le point faible, le décalage des chœurs pourtant couvés par le chef, qui ne les quittait pas de la baguette. Cela n’a pas refroidi l’émotion du public et son enthousiasme pour ce spectacle d’envergure internationale.
Jacqueline Thuilleux
Wagner : Lohengrin - Opéra de Toulon, 31 janvier 2012
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Photo : DR
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