Journal
Shadowland par Pilobolus - Désopilobolant
Avec une douzaine de corps, ils créent un univers féerique. Tordus, emboîtés, entassés, déformés, étirés, ils déclenchent rires, émotion, et à coup sûr émerveillement. Leurs lignes ne sont pas celles de beaux danseurs classiques, mais de sportifs râblés, à la fabuleuse souplesse, et leur spectacle, qui allie performances gestuelles inouïes et charme de tréteaux - car il ne repose pas sur des artifices techniques sophistiqués mais sur trois projecteurs et un écran -, se déroule comme un rêve d’enfant.
Musiques rock, techno ou plus fluides, ne cherchons pas d’académisme dans ce Shadowland, nouveau spectacle des Pilobolus, qu’ils promènent dans le monde avec un énorme succès, mais juste le bonheur d’un conte en ombres chinoises déroulant ses silhouettes cocasses, inquiétantes, ou hilarantes : une jeune fille rêve, au bord de la transformation de la chrysalide en papillon, et se projette dans des mondes bizarres qui l’amèneront à s’éveiller à ses nouvelles réalités. Thème connu, mille fois utilisé : mais est- il habituel qu’une danseuse se transforme en chien, par la magie de son coude replié, que deux garçons deviennent centaure ou Statue de la Liberté ! Hallucinogène (presque), comme le champignon bizarre qui donne son nom à leurs évolutions.
Le charme des Pilobolus réside dans ce mélange exquis de fraîcheur et d’incomparable virtuosité. Ce fut toujours la carte de visite du groupe, qui se fit connaître dans les années 70, porté par le courant américain qu’avait initié Alwin Nikolaïs, chantre d’un spectacle total où l’individu comptait moins que la pure magie des lignes et des lumières. La spécificité des Pilobolus de l’époque, épigones de Nikolaïs, porta sur des jeux de lumières et des performances ahurissantes, et leurs corps désarticulés jouaient avec une tonalité dada ou abstraite. Aujourd’hui, toujours autour de leur pilier, Robby Barnett, et sans rien perdre de leur humour ou de leur inventivité, ils racontent une histoire : leur imaginaire est devenu plus poétique et populaire à la fois, mieux adapté à l’air du temps. Un délice ! On rêve de les voir dans un Livre de la Jungle à leur façon.
Jacqueline Thuilleux
Shadowland par Pilobolus
Du 13 au 25 mars 2012
Paris - Folies Bergère
www.foliesbergere.com
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Photo : John Kane
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