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Karita Mattila en récital à la Salle Pleyel - Sous le charme - Compte-rendu
Boudée par nos directeurs de salles depuis quelques années, pour d'obscures raisons, Karita Mattila se fait rare à Paris, ville qui, si l'on en croit le chaleureux hommage rendu par la diva, lui manque. Sur la scène de Pleyel où elle avait interprété le final de Salomé en novembre 2007, la soprano finlandaise proposait (dans le cadre de la série « Les Grandes Voix ») un ambitieux programme sur le thème de la nuit et des troubles qu'elle occasionne.
Les Sept Lieder de jeunesse de Berg ne sont sans doute pas les pièces les plus commodes pour débuter un récital, où l’instrument cueilli à froid risque à tout moment de déraper sur de redoutables arêtes musicales. Plus prudente que de coutume, Mattila très élégamment soutenue par le pianiste Ville Matvejeff, est tout de même parvenue à se plier aux contraintes de cette écriture tendue où chaque couleur, chaque inflexion, chaque respiration se doit d'être scrupuleusement calibrée. Brahms et son langage plus direct aux accents moins sophistiqués, offrait par la suite un contraste saisissant ; chauffée, à ce stade, la voix de la cantatrice voilée par instant, moins soyeuse que par le passé (et pour cause, les restes d'un refroidissement la feront tousser à plusieurs reprises), a d'abord montré quelques limites sur les aigus de Mein Liebe ist grün, avant de retrouver son juste foyer vocal pour mener à son terme Von ewiger Liebe, conduit avec une intensité magnifique.
La seconde partie était tout d'abord marquée par une admirable incursion chez Debussy où la sensibilité de l'artiste, l'étrangeté de son timbre et la féminité de sa ligne de chant ont trouvé à s'épanouir sur les vers de Baudelaire (Jet d'eau et Recueillement), avant de retrouver le répertoire germanique. Strauss terminait en effet ce parcours musical et littéraire avec un Wiegenlied extatique et aérien, un Allerseelen d'une étreignante mélancolie et un époustouflant Frühlingsfeier, trop rarement donné, où les vers de Heine n'étaient pas sans évoquer les déchirants appels d'Elektra, Adonis remplaçant Agammennon . En bis, Zueignung, Strauss toujours, et une mélodie folklorique finlandaise expliquée en détail par la soprano - émue par l'accueil qui lui était réservé et d'une touchante proximité face à ce public sous le charme -, enchaînée avec le célèbre Voyage à Paris de Poulenc, extrait du cycle Banalités.
François Lesueur
Paris, salle Pleyel, 20 mars 2012
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Photo : DR
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