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Michel Plasson et l’Orchestre de l’Opéra de Paris - Triomphe de l’esprit français - Compte-rendu
En Extrême-Orient, Michel Plasson serait considéré comme un « trésor national ». Il est d’ailleurs premier chef invité de l’Orchestre National Symphonique de Chine où il passe plusieurs semaines chaque année. Mais la France est trop complexée pour y songer un seul instant… Heureusement, le grand défenseur de la musique française est invité par Nicolas Joel : après un mémorable Werther la saison passée, Plasson est revenu pour célébrer notre musique nationale si chère à son cœur à la tête d’un orchestre joliment rajeuni et féminisé qui l’a littéralement plébiscité.
On eut ainsi la preuve que le témoin passait bien des mains du vieux maestro à celles de ses cadets qui purent ainsi profiter d’une irremplaçable expérience. Car il en va des vrais grands chefs d’orchestre comme des vins de garde : ils s’améliorent avec les années. C’est une question d’imprégnation par la pratique de l’ensemble du répertoire et pas seulement d’une prétendue spécialisation dans un fragment de ce dernier. C’est parce qu’il a pratiqué Verdi et Wagner, Beethoven et Brahms au Capitole de Toulouse, que Plasson a pu creuser sa dilection pour la musique française.
Ce sont donc des secrets d’alchimiste, des recettes pour mélanger les timbres instrumentaux exaltant au mieux les couleurs de Ravel ou de Roussel, que le chef a partagés avec les musiciens de l’Opéra de Paris les initiant du même coup à la subtilité dans le chatoiement des couleurs de notre impressionnisme musical. Autant dire du travail d’atelier, tel qu’il se pratiquait naguère aux siècles de Léonard de Vinci ou de Rembrandt : car l’éternité exige beaucoup de temps. Et le public a profité de cette rencontre de l’âge et de la jeunesse. Car en quatre décennies, Plasson a approfondi sa vision des Valses nobles et sentimentales de Ravel : ces paysages imaginaires ont le même rapport à la danse qu’une Suite de Bach.
La 2ème Suite de Bacchus et Ariane de Roussel a prouvé à tous – public et musiciens – combien nos programmateurs avaient tort d’avoir éliminé ce compositeur des concerts. Après l’entracte, vint ce traité d’orchestration appliqué que constitue la Symphonie Fantastique de Berlioz. Avec l’âge, Plasson n’a plus rien à prouver et il renonce aux effets gratuits. Tout devient clair, transparent, on y entend toutes les voix, même les plus secrètes. Chaque solo des bois exhale son suc avec délice. On a certes connu Fantastique plus impressionnante, plus diabolique, plus assourdissante. Plasson la civilise en quelque sorte en peignant le manifeste du romantisme avec des couleurs qu’on osera dire classiques…
Le public et l’orchestre ont beaucoup aimé. Nous aussi.
Jacques Doucelin
Opéra Bastille, 25 avril 2012
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Photo : DR
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