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Julie de Boesmans à Limoges - Fortune de la création contemporaine - Compte-rendu
Le cas est suffisamment rare pour être souligné : depuis sa création à Bruxelles en 2005, Julie n’a presque jamais quitté la scène. Après la création dans la production de Luc Bondy, auteur également de l’adaptation de la pièce de Strindberg, la Scène nationale d’Orléans en a proposé une autre, réglée par Matthew Jocelyn, et qui vient aujourd’hui à l’Opéra de Limoges.
Malgré des divergences notables, les deux approches mettent en évidence le huis clos domestique de cet acte unique ayant pour cadre une cuisine, avec ses ustensiles tranchants à disposition – et que Luc Bondy exploitait peut-être davantage. La scénographie d’Alain Lagarde, où les ballons qui flottent sont crevés un à un à l’instar des barrières sociales, s’avère un support efficace pour une direction d’acteurs resserrée, captant ainsi l’attention du spectateur. La mise en place de l’issue tragique pour Julie, ombre grandissante étranglée par une corde, témoigne d’une sensibilité appréciable à la musique de Boesmans, qui dans cette séquence finale s’évanouit en murmure. Le reste est silence oserait-on conclure. Soulignons également la finesse des lumières dues à Pierre Peyronnet.
Les trois personnages sont particulièrement caractérisés. Julie tour-à-tour séductrice, machiavélique et manipulée, Carolina Bruck-Santos exhale des feulements qui gagneraient en beauté s’ils n’étaient parfois d’indice d’une tessiture circonscrite, aux contours tendus. A l’inverse, la Kristin d’Hendrickje van Kerckhove fait preuve d’une agilité remarquable, en particulier dans les aigus, volubiles comme il se doit pour cette soubrette au timbre idiomatiquement acidulé. Jean à la présence indiscutable, Alexander Knop témoigne d’une certaine familiarité avec l’univers de Boesmans.
Avec ses reconnaissables ostinati tourbillonnants imbriqués dans une trame harmonique oscillant habilement entre modalité et atonalisme, la musique du compositeur belge sait admirablement distiller l’atmosphère particulière de la pièce, entre oppression et mystère. Daniel Kawka la rend avec une belle efficacité, à la tête de l’Orchestre de Limoges et du Limousin.
Ajoutons enfin que le public scolaire a bénéficié d’une séance spécifique la veille, initiative de familiarisation avec l’art lyrique et le répertoire contemporain qu’il convient de saluer. Laquelle vient à propos démontrer que ceux-ci sont bien plus accessibles que l’on a bien voulu le faire accroire. Il n’est d’ailleurs sans doute pas anodin que les vecteurs de cette ouverture soient des ouvrages condensés tels que la Julie de Boesmans.
Gilles Charlassier
Boesmans : Julie – Limoges, Opéra-Théâtre, 15 mai 2012
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Photo : DR
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