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Festival de la Roque d’Anthéron - Passages de relais - Compte-rendu

Souffrant, Aldo Ciccolini n’a pu participer aux deux concerts du Festival de la Roque d’Anthéron où il était attendu. La rencontre de rêve annoncée entre le maître et son disciple Nicholas Angelich n’aura donc pas eu lieu. Remplaçant au pied levé dans le Concerto pour deux pianos de Poulenc, Bertrand Chamayou n’a pas démérité, loin de là. Flamboyant et raisonné, il ne manque pas de panache, mais le dialogue entre ces deux grands pianistes aux tempéraments on ne peut plus opposés a été constamment obstrué par un Sinfonia Varsovia visiblement mal préparé sous la baguette de Jacek Kaspszyk, jamais à l’écoute des solistes, lourd plutôt que vif, avec des cuivres éclatés et des bois pas toujours justes. L’expressionnisme vire à la fanfare et la rencontre semble vite avortée.
Bien mieux équilibrée dans le 5ème Concerto « L’Egyptien » de Saint-Saëns, la formation polonaise côtoie un Nicholas Angelich exceptionnel, au discours toujours ample et orchestral. Conjuguant puissance et intériorité, évitant tout exotisme de pacotille, il confère un lyrisme jamais surfait à cette musique capiteuse, volontiers décorative, et sublime ses couleurs avec sensibilité.

Autre passage de témoin annoncé, et cette fois concrétisé, la carte blanche à Jacques Rouvier, passeur aussi précieux que discret, professeur de pianistes désormais illustres, d’Hélène Grimaud à Arcadi Volodos. Danses hongroises de Brahms, Fantaisie de Schubert, Polonaise de Chopin : tous les tubes du classique sont là. Au jeu de l’hommage, tous les pianistes ne se valent évidemment pas, et certains n’étaient pas franchement à la fête comme David Fray, d’une désinvolture presque hautaine dans une Fantaisie à quatre mains de Schubert, propre mais sans grâce, partagée avec son ancien professeur. Tout le contraire d’un Franck Braley, souverain dans quatre préludes de Debussy. Jeu chaloupé lorgnant vers la contemplation dans Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir - pièce idoine pour le plein air du Parc du Château de Florans -, il décline les chahuts et les largesses rythmiques de La Puerta del vino et de « General Lavine » - eccentric avec une nonchalance communicative constamment maîtrisée.
Last but not least, vainqueur à l’applaudimètre – et pas seulement du fait de son sourire radieux -, David Kadouch propose le programme le plus ambitieux avec les homériques Variations «Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen » de Liszt. Puissant, concentré, jamais dépassé par la polyphonie foisonnante de l’ouvrage, le jeune interprète franchit les « pleurs » et les « tourments » d’un souffle hugolien, gravissant cette montagne du piano avec un naturel confondant. Son quatre mains jouissif avec Franck Braley pour des Danses hongroises de Brahms soyeuses à la précision d’orfèvre était le plus bel hommage au sens du partage de Jacques Rouvier.

Luc Hernandez

Festival de la Roque d’Anthéron, Parc du Château de Florans, du 10 au 12 août 2012

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Photo : C. Gremiot
 

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