Fors La Fiancée vendue, véritable carte postale de la musique tchèque, les opéras de Smetana ont peu traversé les frontières de la petite nation d'Europe centrale. Inspiré par une pièce du dramaturge français Mallefille que le compositeur avait découvert au Théâtre de Prague, Les Deux veuves n'avaient ainsi jamais été représenté en France. Moins versée dans le folklore, la partition témoigne d'une empreinte germanique certaine – Schumann et Beethoven entre autres – tout autant que d'un usage de ritournelles regardant vers l'opérette française et viennoise.

De cet ouvrage léger à la dramaturgie un peu facile – l'histoire d'une jeune veuve qui succombera à l'amour de son cousin grâce aux talents d'entremetteuse de sa pragmatique sœur – Jo Davies tire un spectacle aussi plaisant que cohérent. Les batailles aériennes projetées en noir et blanc pendant d'ouverture resituent l'intrigue en France au lendemain de la première guerre mondiale. La transposition ne dérange guère et présente l'avantage d'un allègement de la dimension folklorique tout en préservant une touchante poésie – la chambre bleue du mari défunt semée d'aéronefs où se réfugie à la fin Karolina dont la vitalité cache une secrète mélancolie. Point n'est besoin de souligner la similitude entre le gibier taxidermisé et les aéroplanes qui décorent les murs de la demeure. Le tout est emmené par une direction d'acteur aussi subtile qu'irrésistible.

La pétulante Lenka Macikova ravit en Karolina par son babil aérien plein de fraîcheur. Personnage dramatique de l'opéra, Anežka se pare avec Sophie Angebault d'une moire émouvante, n'hésitant pas à chercher un peu au-delà de son naturel de sombres accents dans son registre de mezzo, indéniablement efficace dans la caractérisation tourmentée du personnage. Avec une vigueur toute slave, Aleš Briscein, Ladislav Podhàjsky, le cousin, met à rude épreuve sa voix flamboyante, crissant ça et là sous une tension un rien excessive. Rôle de caractère, Mumlal sied à merveille à Ante Jerkunica, doué d'une présence aussi admirable que sa vis comica. Couple secondaire mais nullement méprisé, Robin Trischler et Khatouna Gadelia séduisent en Toník et Lidunka.

Saluons enfin un Orchestre national des Pays de Loire en bonne forme sous la baguette énergique de Mark Shanahan et des choeurs enjoués. En ce jour de la saint Venceslas – hasard du calendrier ? - l'Angers-Nantes Opéra ouvre brillamment sa saison avec l'une des plus sympathiques découvertes de ces dernières années.

Gilles Charlassier

Smetana : Les Deux Veuves – Le Quai, Angers, 28 septembre 2012
Représentations suivantes : à Angers, le 30 septembre 2012 ; à Nantes, les 17, 19, 21, 23 et 24 octobre 2012

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Photo : Jef Rabillon