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Vénus et Adonis de Blow à Caen - Redécouverte magistrale - Compte-rendu
L'histoire a parfois la mémoire ingrate. Si Didon et Enée de Purcell a passé la rampe de la postérité, son « modèle », Vénus et Adonis (vers 1683)de son maître et ami John Blow(1649-1708) – premier exemple d'opéra anglais conservé – n'a pas connu les mêmes faveurs. C'est au Théâtre de Caen – qui avait déjà donné sur sa scène le masque de Blow en 1986 – que revient l'honneur d'inaugurer la nouvelle production commandée à Louise Moaty et Bertrand Cuiller. Double réparation oserait-on écrire, puisque c'est également une Ode à Saint-Cécile de Blow, « Begin the song », qui ouvre la soirée.
On sait le goût de la condisciple de Benjamin Lazar pour l'intimisme de l'éclairage à la bougie. Sur un plateau dénudé, les candélabres sont allumés un par un à partir d'une chandelle, tandis que l'on voit arriver les membres du choeur des Musiciens du Paradis et les danseurs, tous de noir vêtus, et dont se distinguent l'assurance émérite d'Alain Buet ainsi que la vitalité et la juvénilité percutantes de David Tricou. Mais cette pénombre feutrée donne à la variété d'inspiration de l'ode des allures de leçons de ténèbres, et les mouvements chorégraphiques, imaginés par Françoise Denieau à partir des codes baroques, qui se prolongent en écho des dernières notes, ne convainquent que rétrospectivement.
Car avec Vénus et Adonis, tout s'éclaire. Les personnages en couleurs se détachent du noir plus anonyme des chœurs. On comprend la continuité entre les deux ouvrages, l'Ode tenant lieu de prologue allégorique, à l'instar des tragédies lyriques à la française qui inspire l'ouverture solennelle du masque, même si un contraste visuel aurait sans doute été plus dynamique. Les cénotaphes, globes, tombeaux et instruments de musique au milieu des arbres mêlent l'innocence de la pastorale au memento mori de la vanité, soulignant la vulnérabilité des hommes et des sentiments dans un esprit très dix-septième siècle.
Céline Scheen incarne Vénus avec une fraîcheur aussi émouvante que l'Adonis très théâtral de Marc Mauillon. Mais c'est sans doute la large participation de la Maîtrise de Caen, dont est issu Grégoire Augustin, Cupidon, qui donne sa tonalité particulière au spectacle, tant il est vrai que c'est la puissance expressive plus que la beauté formelle du chant qui ici prévaut, et qui participe de l'originalité de l'ouvrage – à l'image des audaces harmoniques jusque dans le bouleversant choeur final, sommet de la musique anglaise qui surpasserait même celui de Didon et Enée. Suivant les conseils d'Eugène Green, les chanteurs ont réalisé un travail de restitution linguistique plus favorable à l'exotisme baroque qu'à l'intelligibilité du texte. Pour son baptême de fosse, Bertrand Cuiller révèle les contrastes de la partition, entre ivresse rythmique – le ground au deuxième acte ! - et sonorités âpres, et l'on ne peut que souligner l'excellence des Musiciens du Paradis, où l'on reconnaît le premier violon de Sophie Gent ou l'archiluth de Thomas Dunford (entendu la semaine précédente au côté d’Hugo Reyne à l'Hôtel de Soubise).
Après avoir été étrennée à Caen, la production tournera à Lille, Luxembourg, Paris, Grenoble Angers et Nantes. Assurément, les occasions de succomber à la musique de Blow ne manqueront pas.
Gilles Charlassier
John Blow : Vénus et Adonis – Théâtre de Caen, 11 octobre 2012
Prochaines représentations : à Lille, les 19, 20, 22 et 23 octobre 2012 ; à Luxembourg, les 9 et 10 novembre 2012 ; à l'Opéra Comique, les 12, 13, 14 et 15 décembre 2012 ; à Grenoble, les 20 et 21 décembre 2012 ; à Angers, les 6, 8 et 9 janvier 2013 et Nantes, les 14, 15, 17, 18 et 20 janvier 2013.
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Photo : DR
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