Avec sa Bérénice personnifiée au début de l’œuvre – et chassée par la cour toute vêtue de noir - Willy Decker rappelle qu’il connaît et le Cinna de Corneille, et l’Andromaque de Racine, et surtout son Suétone . C’est bien, et cela donne probablement la plus juste, la plus censée mise en scène de La Clemenza di Tito qu’on ait vue.

Sur le papier on doutait un peu de la nouvelle distribution, mais elle nous a conquis. Saimir Pirgu d’abord, pour un Imperator habité par la compassion, l’empathie et le pardon, vertus décidément chrétiennes qui habitent sa belle ligne de chant et mettent derrière ses mots un véritable portrait vivant que le ténor montre avec art durant sa longue confrontation avec Sesto au moment du jugement.

Tamar Iveri, dans un de ses meilleurs jours, délivre une Vitellia conquérante, voix en velours, vocalises probables sinon parfaites, elle dompte son grand instrument pour le mettre au service du chant mozartien. Coup de cœur pour la Servilia de Maria Savastano : ce soprano fruité, haut mais parfaitement placé, se régale des mots et produit un legato soutenu. Il y a du Freni là-dedans ! Sonore Publio de Balint Szabo, décidément de plus en plus baryton très basse, hélas !, acide Annio d’Hannah Esther Minutillo, mais l’actrice compense en partie, direction économe mais attentive de Tomas Netopil qui ne néglige ni le drame ni l’élégie, mention spéciale aux souffleurs – splendides la grande clarinette et le cor de basset ! Mais on s’incline d’abord devant le Sesto finement composé et chanté avec feu par une Stéphanie D’Oustrac bien plus à son aise ici que dans sa récente Dorabella. Elle possède naturellement la tessiture du rôle, surtout le personnage la saisit toute entière, au point qu’elle ne compose plus mais vit son drame. Admirable sommet d’une très belle soirée d’opéra.

Jean-Charles Hoffelé

Mozart, La Clemenza di Tito - Paris, Palais Garnier, 16 décembre, prochaines représentations, 19 et 23 décembre 2013.