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Gustavo Dudamel dirige le Requiem de Berlioz à Notre-Dame de Paris - Sans vedettariat - Compte-rendu
On pouvait craindre les augures. Le Requiem de Berlioz, que d’aucuns présentent, à tort, comme une œuvre de faste et d’éclats, et Gustavo Dudamel, la vedette télévisuelle de la baguette avec ses longs cheveux bouclés tournoyants : la société du spectacle dans toute sa perversité, comme aurait pu dire Guy Debord. Eh bien non ! Car c’est une lecture toute de sobriété, attentive, presque discrète, qui a été donnée à entendre à Notre-Dame. Mais discrétion ne signifie pas timidité. Il s’agit ici simplement de maîtrise : celle de l’alternance de la ferveur et de la puissance, du recueillement et de l’intensité, celle de l’entrelacs des composantes sonores, du dosage des timbres et de l’espace entre les masses du chœur et de l’orchestre. La maîtrise d’un chef scrupuleux, modeste et vigilant devant l’œuvre qu’il entend servir. Le contraire de l’effet, en quelque sorte.
Les tempos sont mesurés, généralement respectueux des indications métronomiques de Berlioz, tout en tenant compte de l’acoustique (préjudiciable) du lieu ; comme pour le Lacrimosa, pris vaillamment, ainsi qu’il se doit, mais en sachant préserver les résonances de la voûte démesurée de la cathédrale parisienne. Car s’il est un élément à mettre au compte de la renommée du chef d’orchestre (l’un des rares actuellement connus parmi le grand public), c’est un sentiment de conjonction dense entre les interprètes et qui rejaillit pareillement sur l’assistance (venue parfois avec deux bonnes heures d’avance, dans la pluie et le froid, allongeant des files d’attente sans fin).
L’orchestre, constitué du Philharmonique de Radio France au complet et du fameux Orchestre symphonique Simón Bolívar (formé de tout jeunes gens, souvent issus de milieux défavorisés du Vénézuela), soit 220 instrumentistes, sonne comme un seul homme. Les timbres se détachent toutefois quand il faut, le hautbois ou le cor anglais par exemple, dans une musicalité prenante. Il y avait aussi le risque d’un déséquilibre avec le chœur, paradoxalement moins nombreux que les instrumentistes (180 choristes, réunissant le Chœur de Radio France et la Maîtrise Notre-Dame). Mais l’alliage s’avère parfait. Et le chœur de la radio de service public, naguère déficient, n’a jamais eu d’aussi belles couleurs, homogènes avec des notes d’ensemble justement placées. Le bouquet, quasi final, revient au ténor soliste, Andrew Staples, qui sait conjuguer émission élégiaque, dans des aigus évanescents (en voix de tête, comme Berlioz le prescrit), et sûreté de la projection, parvenant à l’exploit d’emplir l’immensité du lieu.
Reste l’acoustique. Dans cette église, la plus vaste et la plus haute de Paris, elle n’est pas en soi favorable. Mais il faut croire que le soin et la rigueur de la mise en place y pallient ; en dépit d’une impression de lointain (du rang “ L ” où nous étions, au centre du premier tiers des travées), d’un manque de présence souvent, mais apte à maintenir lisibles les différents plans sonores, à dégager l’intériorité méditative et les terreurs, immanentes à cette œuvre d’un sacré qui transcende toute liturgie.
Pierre-René Serna
Berlioz : Requiem, Cathédrale Notre-Dame, Paris, 22 janvier 2014
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