Débutée avec une demi-heure de retard en raison d'un sombre problème technique, la quatrième représentation de La Favorite a finalement et fort heureusement eu lieu, le jour de la Saint-Valentin. Contrairement à Valérie Nègre, à l’origine d'une pitoyable version donnée au Théâtre des Champs-Elysées en février 2013, Vincent Boussard et son équipe ont réalisé un spectacle d'une extrême cohérence esthétique.
 
Au plateau un sol miroitant, des arcades stylisées et quelques accessoires suffisent à évoquer la sobriété d'un monastère, l'exubérance d'un jardin ou le palais de l'Alcazar ; l'éclat des couleurs, la magie des lumières, signées du grand Guido Levi, et la beauté des étoffes inspirées des toiles impressionnistes du peintre Joaquin Sorolla venant souligner cette Espagne rêvée où la flamboyance se mêle au dénuement. Dans cet écrin visuellement enchanteur, le metteur en scène installe l'intrigue avec goût et clarté, stylisant les déplacements (belles scènes de foule au final des second et troisième acte) et sachant animer les moments plus introspectifs, même si la direction d'acteur n'évite pas toujours les redites : chanteurs face public, recours à la position agenouillée ou allongée, bras le long du corps. La conception générale s'inscrit cependant dans une réflexion historique et picturale qui permet à l’auditoire de passer un très beau moment.
 
Antonello Allemandi dirige avec fougue une partition que l'on a entendue plus irrégulière et à l'inspiration plus incertaine. La pulsation donizettienne est au rendez-vous, dans ces mélodies langoureuses, comme dans ces longs concertati où les voix s'apparient tout en se singularisant l'une par rapport à l'autre. Le retrait du projet de Sophie Koch, permet à Kate Aldrich d'aborder avec beaucoup d'intensité le rôle de Léonor de Guzman, la maîtresse du roi de Castille. A un physique avantageux mis en valeur par les splendides costumes de Christian Lacroix, la mezzo américaine associe une voix ample, ductile et bien projetée, ainsi qu'un français soigné, au service d'une interprétation crédible et sensible. Après l'anglaise Alice Coote sur la scène du TCE, nous devons une fois encore compter sur les anglo-saxons pour servir le répertoire français (Béatrice Uria-Monzon ne s'étant illustrée récemment dans le rôle qu'en concert, au TCE) ; Kate Aldrich sera d'ailleurs Carmen à Orange en 2015, auprès de Jonas Kaufmann !
 
Porté jadis sur les fonds baptismaux du bel canto romantique par Alfredo Kraus et Luciano Pavarotti, Fernand le novice qui fuit la vie monastique par amour, est défendu avec ardeur par le chinois Yijie Shi, découvert à Pesaro il a quelque temps. Ce jeune ténor fait d'abord craindre une application de bon élève, disciplinant son chant et son français avec trop d’instance. Mais son timbre clair aux aigus bien dosés, ses nuances et son implication dramatique finissent pas être payants, en particulier dans l’air « Ange si pur » au 4ème acte, où cohabitent la douceur et la concentration musicale. Déjà présent à Paris en 2013, Ludovic Tézier est tout simplement indispensable dans le rôle d'Alphonse XI auquel il apporte une couleur et une tenue vocale magnifiques, incarnant avec classe et autorité un monarque lui aussi partagé entre son pouvoir et la pression exercée par l'Eglise. La voix élimée de Giovanni Furlanetto (Balthazar) et celle engorgée d'Alain Gabriel (Don Gaspar) déparent la cohésion d’ensemble, heureusement retrouvée grâce aux interventions du Chœur du Capitole et à Marie-Bénédicte Souquet (Inès).
 
François Lesueur
 
Donizetti : La Favorite - Toulouse – Théâtre du Capitole, 14 février 2014, prochaine représentation le 19 février 2014
 
 
N.B. : Après une diffusion en direct le 16 février sur Culturebox, La Favorite toulousaine demeure accessible par ce biais (http://culturebox.francetvinfo.fr/la-favorite-de-donizetti-au-theatre-du-capitole-de-toulouse-148205 ). Elle fera ultérieurement l’objet d’une retransmission sur une chaîne de France Télévisions à une date point encore fixée.
 
Photo © Patrice Nin