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2ème Festival Palazzetto Bru Zane aux Bouffes du Nord – Aventureux Albéric, charmant Félicien - Compte-rendu

Festival Bru Zane Bouffes du Nord

Lancé l’an dernier, le Festival Palazzetto Bru Zane à Paris offre au Centre de musique romantique française de Venise la « vitrine » qui lui manquait dans la capitale. Rien de plus cohérent de la part d’une institution qui œuvre avec la curiosité et l’enthousiasme que l’on sait en faveur du répertoire français méconnu, de la fin du XVIIIe siècle au premier conflit mondial.

D’abord ouverts aux raretés, les programmes du Festival font aussi place à des auteurs plus célèbres. Ainsi le Quintette pour piano et vents de Beethoven ouvre-t-il une soirée que Jean-Efflam Bavouzet partage avec de superbes instrumentistes. On ne fera aucunement injure à la mémoire du grand Ludwig en constatant que l’Opus 16 n’appartient pas à ses réalisations les plus impérissables. Toute l’intelligence du pianiste et de ses compères (Olivier Doise, Philippe Berrod, Hervé Joulain, Julien Hardy) est de ne pas chercher midi à quatorze heures et d’offrir une interprétation simple, souriante et amicale de l’ouvrage –  et ce à quel niveau de perfection instrumentale… On est de toute façon d’abord venu aux Bouffes du Nord pour entendre le Quintette pour flûte, hautbois, clarinette, basson et piano op. 8 d’Albéric Magnard. On a bien fait !
 

Jean-Efflam Bavouzet © DR

Le temps de substituer la flûte de Philippe Bernold au cor d’Hervé Joulain et voilà que résonne une composition née en 1894 de la plume d’un créateur de vingt-neuf ans. Les interprètes donnent toute la mesure de leur art dans cette partition exigeante et aventureuse. Partant ils soulignent la connaissance qu’avait Magnard des timbres instrumentaux et l’intelligence avec laquelle il les exploite, les associe et, parfois, les individualise dans de beaux solos (la clarinette dans le 2ème mvt Tendre, le hautbois, de façon orientalisante et surprenante !, dans le 3ème  Léger, le basson dans le final Joyeux). Portés par le piano inventif - ici mordant et étincelant, là mystérieux et ambré - de Bavouzet, les quatre souffleurs s’en donnent à cœur joie, captivant leur auditoire tout au long d’un Opus 8 qui chemine des étranges harmonies du Sombre initial jusqu’à la belle humeur du final. Accueil enthousiaste du public et 3ème mouvement bissé pour le plus grand bonheur de tous !
 

Festival Palaetto Bru Zane Le Saphir

Gabrielle Philiponet et Cyrille Dubois / © Michele Crosera

Le surlendemain, c’était au tour de l’opéra-comique en trois actes Le Saphir (1865) de Félicien David (donné en version de concert) de conclure le 2ème Festival. La partie d’orchestre de l’ouvrage étant perdue, une belle version « de chambre » (réalisée pour neuf instruments à partir du chant/piano) en est proposée, remarquablement accompagnée par les Soliste du Cercle de l’Harmonie, dirigés du violon par Julien Chauvin.
Œuvre charmante que ce Saphir, sur un livret inspiré de Tout est bien qui finit bien de Shakespeare (cosigné de Leuven, Carré et Hadot). Il lui faudrait un peu plus de piment harmonique et de relief dramatique pour prétendre à être qualifiée d’essentielle, mais on ne boude pas le plaisir de la découverte, surtout quand sont réunis des interprètes de cette qualité et à ce point investis.

Après avoir tenu il y quelques semaines la partie de ténor solo du Désert à la Cité de musique, Cyrille Dubois se fait a nouveau l’avocat de Félicien David et s’empare du rôle de Gaston avec un tact et une élégance remarquables. A ses côtés, Julien Véronèse campe un Parole un peu bourru et truculent, mais se garde de forcer le trait. Reste que Le Saphir est plutôt affaire de dames : Gabrielle Philiponet incarne une Hermine toute de fraîcheur et de brio vocal, le beau mezzo de Marie Kalinine se partage avec bonheur entre les rôles de La Reine et de Lucrezia, Katia Velletaz offre une caractérisation juste et fouillée du délicieux personnage de Fiammetta et Marie Lenormand, enfin, endosse avec la vivacité requise le rôle travesti du page Olivier. Bref, un sans faute vocal pour le charmant Saphir.

Rendez-vous du 29 mai au 5 juin 2015 aux Bouffes du Nord pour le 3ème Festival. D’ici là, le Palazzetto Bru Zane aura bien des occasions de faire les délices des mélomanes curieux. Signalons, entre autres, la parution à l’automne prochain des Barbares de Saint-Saëns, ouvrage enregistré en concert en février dernier à Saint-Etienne sous la magnifique baguette de Laurent Campellone.

Alain Cochard

Paris, Bouffes du Nord, les 17 et 19 juin 2014

Site du Palazzetto Bru Zane : www.bru-zane.com

Photo © Andrea Messana

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