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Edgar et Raphaëlle Moreau au 14ème Festival Européen Jeunes Talents – Fougueux duo – Compte-rendu
Depuis les premiers jours de juillet, le Festival Européen Jeunes Talents bat son plein aux Archives nationales et invite tous les jours (sauf le lundi) à de belles découvertes. Découverte n’est pas le mot qui convient s’agissant d’Edgar Moreau, 20 ans seulement et que son précoce talent place depuis un petit moment déjà parmi les jeunes violoncellistes français les plus en vue. On n’avait en revanche pas encore eu l’occasion d’entendre sa sœur cadette Raphaëlle, violoniste d’à peine 18 ans.
Tous deux étaient au rendez-vous, attendus par un public nombreux, pour un programme original mêlant duo et solo. Comme pour éclairer la fin d’un gris dimanche parisien de juillet, les deux instrumentistes entament leur concert avec une belle énergie dans la Passacaille de la Suite n° 7 de Haendel transcrite par Johan Halvorsen. Au lieu du Duo op. 7 de Kodály annoncé, les musiciens ont ensuite préféré interpréter chacun une œuvre en solo – et ils n’ont pas opté pour la facilité !
Elève de Pavel Vernikov à la Haute Ecole de Musique de Lausanne, après avoir travaillé au CNSMD de Paris dans la classe de Roland Daugareil, Raphaëlle Moreau paraît encore un peu timide, à la recherche d’elle-même – quoi de plus normal à son âge ? Dans ces conditions, la Sonate n° 2 d’Ysaÿe constitue un choix très – trop ? - ambitieux. Si la violoniste fait face aux exigences de la partition, elle n’y montre pas encore l’absolue maîtrise sans laquelle cette musique aride ne saurait exercer son plein impact. Le résultat réserve toutefois de beaux moments de poésie, tel le paysage désolé que l’on découvre dans le mouvement lent lorsque paraît le thème du Dies irae.
Edgar Moreau s’empare ensuite de la Sonate pour violoncelle seul de Ligeti. Intensité, liberté, lyrisme du premier épisode, souplesse et légèreté virevoltante de l’archet dans le Capriccio : tout coule de source, avec le même naturel et la même évidence que s’il s’agissait d’une suite de Bach. Admirable !
La Sonate en ut majeur de Ravel, œuvre trop rare d’un compositeur illustre, réunit à nouveau les deux archets pour une interprétation remarquable d’engagement. Aucune joliesse, aucune facilité dans cette approche âpre, sans aucun compromis, qui métamorphose la partition en un véritable Tombeau de Claude Debussy (la Sonate, on s’en souvient, a été écrite entre 1920 e 1922 à la mémoire de Claude de France).
Quitte à ce que la clarté des lignes en souffre parfois un peu – mieux vaut cela que l’eau tiède - , l’ardeur et la fougue dominent à nouveau en conclusion dans Porque Llorax, belle pièce écrite en 2012 par Philippe Hersant ( le compositeur invité du Festival Jeunes Talents 2014) sur une célèbre mélodie séfarade, à la demande du Geneviève Laurenceau pour son Festival d’Obernai.
Le 14ème Festival ne s’achève que le 26 juillet : il est encore temps d’aller écouter le Trio Karénine (le 22), Raphaël Sévère, David Petrlik et Théo Fouchenneret (23), Lorenzo Soulès (24), Robin Pharo et Ronan Khalil (25) – le baroque n’est pas oublié à Jeunes Talents ! – et Varduhi Yeritsyan, Pierre Cavion, Josquin Otal et Jacques Comby dans un étonnant bouquet final pianistique de 1 à… 8 mains !
Alain Cochard
Paris, Archives nationales, 20 juillet 2014
14ème Festival Européen Jeunes Talents, jusqu’au 26 juillet : www.jeunes-talents.org
Raphaëlle et Edgar Moreau © Ch. Gauby
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