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La Damnation de Faust au Festival Berlioz - Roth au plus haut - Compte-rendu
François-Xavier Roth (photo) s’affirme, concert après concert, non seulement l’une des plus sûres baguettes de la nouvelle génération de chefs français, mais aussi l’un des meilleurs espoirs de l’interprétation de Berlioz. Après Davis et Gardiner – qui ont été ses maîtres – la relève est assurée. Et, ô surprise !, elle vient de France (ou presque, puisque Roth est appelé en septembre 2015 au poste de Generalmusikdirektor de la ville de Cologne).
La Damnation de Faust qui clôt le Festival Berlioz de La Côte-Saint-André, l’atteste une fois encore. On sait qu’à Roth revient régulièrement, à chaque édition de ce festival depuis sa prise en main par Bruno Messina en 2009, le morceau de consistance, en l’espèce une grande œuvre de Berlioz. On sait aussi qu’il est à l’origine de l’un des beaux projets de cette manifestation : le Jeune Orchestre Européen Hector-Berlioz, constitué de tout frais instrumentistes venus de différents conservatoires et horizons géographiques (et cette année, même du Brésil), s’essayant en formation d’orchestre et sur instruments d’époque après un stage d’un mois avec l’appoint des professionnels aguerris de l’Orchestre Les Siècles (autre émanation de Roth).
Cette Damnation est le résultat de ces deux initiatives. Mais, comme à chaque fois, s’ajoute un enthousiasme, une ferveur, une conviction collective, qui emportent tout. Cela ne saurait surprendre de la part de jeunes gens naturellement portés à être ainsi galvanisés ; si ce n’est que cela se révèle communicatif, notamment auprès des artistes prestigieux qu’ils secondent. L’affiche vocale réunit ainsi Michael Spyres, Anna Caterina Antonacci et Nicolas Courjal, dont les uns et les autres de ces grandes pointures, rompues à toutes les scènes et à toutes les expériences, semblent gagnées d’une émotion visible. Il nous a même cru voir le ténor écraser quelques larmes furtives !… incongrues chez tout ténor qui se doit, et y compris périlleuses (pour sa voix).
Pour dire le sentiment d’exception qui baigne la soirée, auquel répond le silence sépulcral du public sur les gradins de l’auditorium implanté dans la cour du château dominant la bourgade. Les trois solistes vocaux précités rivalisent de musicalité et d’expression, chacun dans son registre : Spyres, Faust à la projection ardente et crépusculaire ; Antonacci, Marguerite au legato immanent ; Courjal, Méphisto d’une noirceur de catacombes. Jean-Marc Salzmann campe fermement de son côté l’épisodique Brander. Le chœur (Chœurs et Solistes de Lyon-Bernard Tétu, Chœur Britten-Nicole Corti) s’entend avec l’orchestre et les chanteurs solistes pour l’acuité, la délicatesse, l’ampleur et la répartie. Un tout !
L’esprit critique pointilleux qui porterait à relever telle ou telle imprécision, tel choix de tempo contestable (mais il faut bien aussi tenir compte de la dextérité mise à dure épreuve de ces jeunes participants face à une partition redoutable), s’évanouit vite pour laisser place à une adhésion sans partage. À l’instar de celle des interprètes, mais qui ne serait rien sans l’intensité précise que souffle le chef d’orchestre. Un grand moment pour une Damnation rare, digne de son propos, comme il nous a été peu fréquemment donné à entendre (pourtant, on l’imagine peut-être, parmi de multiples et multiples autres). Roth peut, à juste droit, se sentir fier de son ambition et de sa mission.
Pierre-René Serna
Berlioz : La Damnation de Faust ; Festival Berlioz de La Côte-Saint-André, 31 août 2014.
Photo © Simon Baron Barral/ Festival Berlioz
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