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Elena de Francesco Cavalli à Angers-Nantes Opéra - L'Amoureuse - Compte-rendu

Ce fut la belle surprise du Festival d’ Aix 2013, et pour beaucoup la ressouvenance tout simplement de l’existence de Francesco Cavalli. En son temps, Raymond Leppard révélait La Calisto et L’Ormindo à Glyndebourne, Corboz exhumera Ercole amante pour le disque, Jacobs produira Giasone, La Monnaie fera un tabac avec La Calisto selon Wernicke, un peu moins avec Egisto, Clément Hervieu–Léger signera tout récemment une production poétique de la splendide et si lyrique Didone, mais à chaque fois le temps de Cavalli ne semblait pas absolument venu, suite de réhabilitations sans véritable lendemain. L’Elena selon Jean-Yves Ruf changerait-elle la donne ?

Le spectacle, alerte comme la dramaturgie de Cavalli, sensible comme son texte lyrique est en soi un modèle qui dit tout simplement, fait confiance aux acteurs, et intelligemment transpose l’action à l’époque du compositeur. Dans le cadre idéal de Graslin on saisit mieux la fluidité d’un tel propos, d’autant que son acoustique donne tout son relief à une fosse constellée de cordes pincées, luths et clavecins en tête. La poésie sensible du continuo et de l’orchestre cavalliens résonne avec son éloquence discrète et ses charmes plus d’une fois magiques. La Cappella Mediterranea, rompue à l’ouvrage et emmenée avec feu par Monica Pustilnik est un personnage à part entière du théâtre de Cavalli.

La distribution assemblée à Nantes diffère de celle du Festival d'Aix-en-Provence (1), elle en conserve l’Ino irrésistible d’Emiliano Gonzales Toro, avec ses allures de faune, les trois rôles tenus avec brio par Mariana Flores (Erginda, Giunone, Castore),  le Diomede de Bredan Thuohy et le Thésée débonnaire et hypocrite de Fernando Guimaraes, peu en voix hélas. Si Giulia Semenzato, agile, élégante, ne nous fait pas regretter l’Elena d’Emöke Barath tant elle nous parait plus sensible, si Carlo Vistoli met sa virtuosité tranchante à un assez incroyable Peritoo et Krzysztof Baczyk sa basse noble à un Tindare bien vu, la vraie révélation vient de l’Elisa (en fait Ménélas travesti) de Kangmin Justin Kim. Ce jeune contre-ténor américano-coréen peine dans la justesse, certes, mais la voix est captivante, et l’acteur subtil dans le travestissement comme dans les sentiments, on lui doit les plus saisissants moments d’une soirée dont les maitres mots demeurent la poésie et l’émotion.

Et si le temps de Cavalli était enfin venu ?

Voir le reportage vidéo réalisé au Festival d'Aix en Provence

(1) Cavalli : Elena, filmé au Festival d’Aix-en-Provence 2013 dans la mise en scène de Jean-Yves Ruf (1 DVD Ricercar RIC346)

Francesco Cavalli : Elena - Nantes, Théâtre Graslin, le 4 novembre ; prochaines représentations le 8 novembre (Nantes) et les 14 et 16 novembre 2014 (Angers - Grand Théâtre)

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