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Idomeneo à l’Opéra de Lille – Touché par la grâce – Compte-rendu
Après Lyon, Lille affiche une nouvelle production d’Idomeneo. De toute évidence Ruf n’est pas Kusej et Haïm pas plus Korsten, ce qui nous vaut deux spectacles différents et complémentaires. Jean-Yves Ruf et son équipe privilégient l’élégance et le bon goût avec un soin apporté aux décors ; l’île est symbolisée par deux lieux de forme sphérique (Laure Pichat signe la scénographie).
Au plus près de ses interprètes, le metteur en scène et comédien – ce n’est pas un hasard – compose des personnages finement ciselés, sans excès ni caricature, qui révèlent leurs états d’âme et mettent à jour leur vrai visage à mesure que le drame se dénoue et que pointe l’heureuse conclusion.
Le complexe Idomeneo de Kresimir Spicer (on avait beaucoup aimé le ténor en 2002 à Aix dans Le retour d’Ulysse, conçu par Adrian Noble et dirigé par Christie - DVD Bel Air), est campé avec tant de délicatesse, d’engagement et de conviction que l’on oublie les quelques scories dont sa technique de chant est responsable ; il possède la vaillance, la douceur et l’éclat de ce monarque qui, en abdiquant, retrouve l’amour de son fils et la tranquillité de son peuple.
Rachel Frenkel est sans doute encore un peu jeune pour se mesurer au rôle exigeant d’Idamante. La voix de cette mezzo claire n’a pas toujours l’implication ou la consistance demandée, mais cette prise de rôle s’annonce prometteuse si la cantatrice ne force pas ses moyens naturels.
L’Illia lyonnaise (Elena Galitskaya) avait tout pour plaire, mais celle de Lille est également digne d’éloges : plus corsé, plus lyrique, le timbre de Rosa Feola capte l’auditoire et le berce avec bonheur notamment pendant l’air « Zeffiretti lusinghieri ».
Sidérante dans un rôle où nous ne l’imaginions pas il y a encore cinq ans, Patrizia Ciofi (Illia à Milan en 2009) affronte avec un irrépressible aplomb, la courte mais intense partie d’Elettra. La voix large et assurée dans le bas medium, projetée avec sûreté, triomphe de l’écriture acérée de Mozart et permet à la comédienne de jouer, en digne fille d’Argos, la virulence et la folie, finissant évanouie dans les bras des Crétois. Après Mimi, Luisa Miller et avant Alice Ford, les nouvelles orientations de la soprano s’annoncent explosives.
Arbace stylé de Edgaras Montvidas, Grand-Prêtre fougueux d'Emiliano Gonzales Toro, chœurs parfaitement en place doivent beaucoup à la très belle lecture d’Emmanuelle Haïm à la tête de son Concert d’Astrée. Cette musicienne parfois controversée poursuit son chemin avec détermination parmi les chefs baroques, apportant à Idomeneo l’élan et la personnalité d’une artiste sensible.
François Lesueur
Mozart : Idomeneo – Lille, Opéra, 1er février, prochaines représentations les 3 et 6 février 2015
Photo © Opera de Lille
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