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Don Quichotte chez la Duchesse de Boismortier à l’Opéra Royal de Versailles – Plaisant – Compte-rendu
C’était la toute première œuvre jouée par Le Concert Spirituel que venait de fonder Hervé Niquet. C’était il y a 27 ans, Don Quichotte chez la duchesse… Un enregistrement devait suivre, le premier à rétablir la musique du « ballet-comique » de Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755). Nul doute, donc, que le projet de monter l’ouvrage en version scénique devait tenir au cœur de Niquet. Chose faite désormais, avec cette production étrennée en janvier à l’Opéra de Metz et reprise à l’Opéra royal de Versailles.
Mais ce n’était pas si simple. Puisque si la musique est parvenue jusqu’à nous, les dialogues parlés qui faisaient lien ont disparu. Il a fallu donc réinventer une trame, tout en gardant l’esprit de ce qui à l’époque (1743) constituait une forme de divertissement. À quoi se sont attelés, avec un réel bagout, Corinne et Gilles Benizio, plus connus dans le milieu du spectacle et du cabaret sous les noms d’affiche de Shirley et Dino.
Hervé Niquet © Michèle Crosera
Ce jeu, éminemment baroque, en valait-il le chandelier ? Oui, assurément, si l’on considère la qualité de la musique. Boismortier s’y révèle d’une hauteur d’inspiration qui annonce Rameau. Très supérieure, à cet égard, à celle de son prédécesseur français dans le genre lyrique léger, Campra (comme on l’aura noté lors des récentes Fêtes vénitiennes à l’Opéra-Comique). À la tête de son Concert Spirituel, Niquet s’affirme tout aussi inspiré : avec des attaques sans faille, une rigoureuse précision d’ensemble et un souffle qui balaye tout. Le plateau vocal n’est pas en reste, avec la haute-contre idoine de François-Nicolas Geslot, le chant assuré (et le jeu scénique tout autant) de Marc Labonnette, et la présence forte (en dépit de quelques duretés) de Chantal Santon-Jeffery.
Quant à la mise en scène ? Elle verse dans le joyeux délire, comme on pouvait s’y attendre. Les gags se multiplient, amusants souvent, lourds parfois. Mais dans un ensemble bien réglé. Niquet lui-même donne la répartie humoristique au couple Shirley et Dino, troquant son frac en deuxième partie pour un costume de torero, propice à un désopilant numéro olé-olé. Un plaisant spectacle. Dont le seul véritable déplaisir viendrait du… public : bourgeoisement fagoté mais inélégant dans le comportement, s’esclaffant bruyamment et importunément, précisément dans les moments qui s’y prêtent les moins.
Pierre-René Serna
Joseph Bodin de Boismortier : Don Quichotte chez la duchesse – Opéra royal de Versailles, 6 février, prochaine représentation les 7 et 8 février, reprise en juillet 2015 au Festival de Radio France et Montpellier.
Photo © OT Metz Métropole
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