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Khatia Buniatishvili, Paavo Järvi et l’Orchestre de Paris - L’art en fusion - Compte-rendu
Une vraie complicité unit le directeur musical de l’Orchestre de Paris et la jeune star géorgienne du piano. Le courant passe entre ces deux êtres à la formidable énergie, et la tournée qu’ils entreprennent ensemble en Allemagne avec l’Orchestre ne pourra qu’affiner la richesse de ce Concerto de Grieg, joué par une Khatia Buniatishvili qui, après avoir souvent enchanté Pleyel, découvrait le nouveau vaisseau de la Porte de Pantin. On sait son toucher fin comme une caresse, son art de s’emparer d’une salle, d’y faire résonner le silence, toujours en quête d’un chemin de mémoire, très au-delà de la recherche esthétique.
Cette dimension poétique l’a évidemment menée au cœur des élans et des nostalgies du Chopin du Nord : intimisme d’un piano qui se confie presque timidement, souplesse d’une respiration qui donne à la note sa largeur, authenticité d’une artiste qui par delà sa séduction, n’est plus qu’à son jeu, à sa fusion avec l’élément musical, portée par une houle, liberté d’accents un rien jazzy par instants, intrusion rhapsodique d’un soupçon de Liszt.
Et admirable réponse d’un chef attentif à cette orfèvrerie de l’âme. Puis lorsqu’éclate la joie de vivre du dernier mouvement, la sirène de Tbilissi met soudain sa peau de tigresse et se lance dans une ronde furieuse, scandée par les martèlements des sabots d’une fête villageoise. Le miracle de son toucher étant qu’il ne fracasse jamais les oreilles, même dans les élans les plus déchaînés : grand, très grand piano.
Auparavant, Järvi avait ouvert les festivités sur l’ouverture Genoveva de Schumann, ardente et sombre, ou déjà les cors se taillaient la part du lion, comme souvent dans la 2e Symphonie de Sibelius, qui terminait le programme.
Là quelques réflexions sur l’acoustique de la Philharmonie s’imposent : on en prend peu à peu la mesure, sachant qu’elle est notamment peu propice aux voix, dans les étages, et superbement claire pour les instruments, auxquels elle ne permet aucune erreur, dans sa franchise. Avec quelques réserves : ici elle n’a pas été que profitable à Sibelius, dirigé par Järvi avec une santé qui surprend dans l’univers du compositeur finlandais, même dans cette 2e Symphonie de 1902, moins tragique certes que la majorité de ses œuvres, sorte de manifeste envers la nature de son pays, mais parcourue d’élans contradictoires et de descentes aux abîmes.
L’acoustique, donc, autant que la baguette du chef ont comme épluché les différentes couches de cette pièce maîtresse, sans qu’on y trouve toujours la profondeur troublante dont elle peut être porteuse. Magnifiques cors, éclatantes trompettes, bois survoltés, mais pour les cordes, une sorte de gommage sonore qui ne met pas en valeur les finesses de l’écriture, notamment dans les trilles du 1er mouvement, qui zèbrent le discours musical. Bref, un tourbillon d’émotions diverses, culminant sur un final grandiose, un des sommets de l’art de Sibelius.
Jacqueline Thuilleux
Paris, Philharmonie, 18 mars 2015
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