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La Clémence de Titus à l’Opéra de Montpellier – Fatras dramaturgique – Compte-rendu
La dernière programmation de Jean-Paul Scarpitta ne laissera pas un souvenir indélébile. Quelle mouche a donc piqué la dramaturge Koen Bollen pour imposer de semblables présupposés à cette Clémence de Titus donnée à Montpellier ? A travers les écrits toujours controversés de Suétone et les recherches historiques sur la personnalité de l’Empereur Titus (dont la clémence ne dura que deux ans – le temps de son règne – après les débordements de sa jeunesse), les personnages sont vus à travers le prisme de la psychanalyse freudienne (l’enfance difficile du héros, sa supposée homosexualité, les rapports quasi fétichistes de Sesto avec les lapins, l’incendie du Capitole dont ne resteront que des ours en peluche jonchant le sol après être tombés des cintres …). Par sa radicalité, une telle option ne facilite guère la compréhension de l’opéra séria de Mozart.
La mise en scène de Jorinde Keesmaat se ressent inévitablement de ce traitement de choc qui passe à la trappe toutes les intentions d’un livret dont le compositeur a pourtant tiré toute une réflexion entre philosophie des Lumières, franc-maçonnerie et triomphe du Bien sur le Mal. Somme toute, la magnanimité finale de Titus ne devient qu’une pure opération médiatique susceptible de renflouer son image. Une manifestation en sa faveur, pancarte à l’appui, traverse la salle pour mieux insister sur le caractère paternaliste et populaire du héros. Une projection vidéo montre in fine Tito enfant courant dans la nature avec Sesto, un lapin en peluche dans les bras auquel il tordra le cou. Peut-être le sort qu’il réservera plus tard à son ami ? Cela reste bien abscons.
© David Ginot
La distribution vocale bénéficie de l’autorité du Tito de Brendan Tuohy, très exposé dans le rôle-titre, stature impressionnante mais qui montre des signes de fatigue dans son dernier air. Le Sesto du contre-ténor Kangmin Justin Kim, très crédible théâtralement malgré ses costumes caricaturaux, fait preuve de beaucoup de souplesse de d’homogénéité dans sa tessiture. En femme dominatrice, tantôt cuisses à l’air ou en cuissardes, Marie-Adeline Henry maîtrise l’étendue de l’ambitus du rôle de Vitellia avec des graves bien émis et des aigus parfois trop sollicités, aux limites de la rupture. Les jeunes Christina Gansch et Antoinette Dennefeld (Servilia et Annio) montrent fraîcheur de ton et légèreté de touche ; le Publio de David Bizic, allure de cerbère, possède une véritable profondeur de timbre.
A la tête de l’Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon, Julien Masmondet, gestes clairs et précis, réalise un bel équilibre malgré l’écran qui s’interpose entre la scène et la fosse. Direction nerveuse (1er acte), en quête de clarté et d’élégance (2e acte), sachant donner du liant lors du passage entre récitatifs et arias. Excellent continuo imaginatif de Yvon Repérant qui apporte un supplément de vie en parfaite osmose avec les intentions du chef. Cette fraîcheur et ce naturel apportent un réel réconfort face au fatras dramaturgique et scénographique dénaturant l’esprit de Mozart.
Michel Le Naour
Mozart : La Clémence de Titus - Montpellier, Opéra Comédie, 9 avril 2015
Photo © David Ginot
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