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Sabine Devieilhe et Anne Le Bozec en récital à l’Opéra de Lyon – Mélolieder – Compte-rendu
Quelle matinée ! Revenue en quelque sorte chez elle, et d’ailleurs disant son bonheur d’être sur la scène de l’Opéra de Lyon qui aura porté son premier vrai triomphe - personne dans la salle n’avait oublié sa Reine de la Nuit, et sa Constance du Dialogues des Carmélites semblait n’avoir pas quitté les lieux – elle osait un programme de raretés dévoilant des merveilles.
Axe Zemlinsky, projet les correspondances thématiques et stylistiques entre les lieder de ce compagnon de route de la Seconde Ecole de Vienne et deux de ses contemporains français, Roussel et Ravel.
Dans le catalogue mélodique de Zemlinsky, tout fut toujours rare au concert sinon les Maeterlinck Lieder que l’on vend d’abord aux mélomanes par leurs habillages orchestraux : Sabine Devieilhe nous emmène loin dans son univers, en commençant par le commencement, les Valses chantées d’après des mélodies populaires toscanes.
Pour son Opus 6, rien ne différencierait le jeune Zemlinsky d’un autre Viennois inspiré par l’Italie Joseph Marx, si il n’y avait ces modulations étranges, cette saturation inquiète du chromatisme qui distancient le modèle. Dès l’entrée on sait que Sabine Devieilhe pourra nourrir son soprano dans le piano miroir d’Anne Le Bozec, fabuleux d’élégance, d’invention sonore, évoquant tout une palette d’instruments. Et vu son programme, exigeant comme rarement peut le prétendre une chanteuse lyrique abordant le récital, il lui fallait cette alliance parfaite, ces concordances où tout semble non plus travaillé et conquis, mais révélé et offert.
Tout au long d’une heure et demie continue, simplement ponctuée par quelques mots d’introduction aux œuvres – une dame dans le public demande plus de voix à Anne le Bozec, Sabine Devieilhe, en chanteuse qui articule porte dans tout le théâtre sans avoir à forcer ses mots comme sa musique – le fil se déroule, les thèmes – modes archaïsants, tentation orientale, univers des jardins, apparition des musiques nègres – se tissent, et toujours l’art de l’expression fleurit.
Non pas celui qui sollicite, mais bel et bien celui qui naît des œuvres elle mêmes. Le chant est toujours souverain, les aigus de grâce, le medium se colore et prend de l’ampleur, l’allemand parfait, le français subtil jusque dans des e muets liés dans la couleur de la ligne, secret d’une école de chant français qui a tendance à se perdre. Mais ce sont les mots qui auront le dessus : les vastes rêves sensualistes de Manteau de fleurs ou du Jardin mouillée, l’imagination « à la chinoise » des tableaux d’émotions successifs des Amoureux séparés, la fantaisie étrange de Jazz dans la nuit, mais surtout la simplicité désolée de Trois beaux oiseaux du Paradis m’accompagnent toujours alors que j’écris ces lignes. Bravo, cela s’appelle de l’Art.
Jean-Charles Hoffelé
Lyon, Opéra, 3 mai 2015
Photo Sabine Devieilhe © Alice de Sagazan
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