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Le Guitarrero d’Halévy au Théâtre de la Porte Saint-Martin – Enthousiasmant - Compte-rendu
Le Guitarrero revit l’espace d’un après-midi au Théâtre de la Porte Saint-Martin, après toutefois une étape par le Théâtre de Saint-Dizier. Créé en 1841, l’opéra-comique de Fromental Halévy, l’auteur célébré (?) de La Juive, mérite bien de ce retour. Pour sa musique essentiellement. On se surprend ainsi à découvrir un traitement fin et élaboré, soutenant de beaux airs, des ensembles bien construits et imaginatifs. Sans tomber dans les formules en poncifs ou les cadences (napolitaines) attendues, si chères à la même époque par exemple à un Ferdinand Hérold (et son Pré aux Clercs, entendu récemment à l’Opéra-Comique). On comprend l’admiration que Bizet (excusez du peu !) vouait à son beau-père, comme les éloges prodigués par Berlioz à son confrère et à ce Guitarrero en particulier.
Mathieu Franot et Benjamin El Arbi © Les Frivolités Parisiennes
Il est vrai qu’à la Porte Saint-Martin, tout est fait pour plaider en faveur de l’œuvre. On ne peut que féliciter, à cet égard, le choix de la partition et le travail préparatoire qui a présidé à cette production. La compagnie Les Frivolités Parisiennes fondée par Benjamin El Arbi et Mathieu Franot, en résidence à la Fondation Singer-Polignac, vise à nouveau juste dans sa quête méritoire d’un répertoire d’opéras-comiques ou opérettes délaissés. Dans ce cas, elle s’approche de l’original, à quelques réserves près : une orchestration resserrée (25 instrumentistes, au lieu de la quarantaine de la création à l’Opéra-Comique, mais qui devait être l’effectif des reprises dans d’autres théâtres), et quelques mélismes « réécrits » pour satisfaire les besoins vocaux. Une prétention à une fidélité « historiquement informée », pour reprendre la formule de Pierre Girod, par ailleurs chef de chant.
La récompense est dans le résultat : réellement enthousiasmant. Après des premières mesures quelque peu incertaines et encore vertes, l’ensemble prend ensuite son envol. Pour ne plus se poser. Il convient de citer tous les participants du plateau vocal, tant ils se fondent avec bonheur : Eva Gruber, Julien Clément, Émilien Marion, et plus spécialement, en raison de l’importance pleinement assumée de leurs rôles : Marc Larcher, le Guitarrero en question et ténor de judicieux style mixte français (qui devait être celui du créateur, Gustave Roger) ; Julie Robard-Gendre, mezzo assurée d’une belle souplesse d’émission ; le baryton ferme Jacques Calatayud ; le ténor Olivier Hernandez et le baryton Laurent Herbaut. Alexandra Cravero les conduit, en compagnie des pertinents instrumentistes des Frivolités Parisiennes, sous une battue à la fois précise et dynamique, propre à galvaniser le tout.
© Les Frivolités Parisiennes
Quant à la mise en scène de Vincent Tavernier, elle se contente de peu : une estrade, une toile de fond, un rideau de scène pourpre (celui du théâtre), et de charmants costumes colorés crypto-Renaissance (signés Erick Plaza-Cochet) sous des éclairages choisis (par Carlos Perez). Simple mais efficace, pour cette histoire d’un modeste guitariste amoureux d’une grande dame dans un Portugal de conventions. Un pittoresque ibérique alors en vogue, dont Scribe savait tirer les ficelles. Mais la musique, elle, échappe aux recettes et aux chromos. Le meilleur alibi à cette résurrection, et la meilleure raison, on veut le croire, de son triomphe remporté auprès du public.
Pierre-René Serna
Halévy : Le Guitarrero – Paris, Théâtre de la Porte Saint-Martin, 14 juin 2015.
Site des Frivolités Parisiennes : www.lesfrivolitesparisiennes.com
Photo © Les Frivolités Parisiennes
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