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Così fan tutte à la Maison des Arts de Créteil - Miracle renouvelé - Compte-rendu
On ne saurait trop louer la politique de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, qui porte la bonne parole de l’opéra dans des territoires éloignés, géographiquement et culturellement. C’est ainsi que la nouvelle production de Così fan tutte se glisse dans la programmation de la Maison des Arts de Créteil. Initiative heureuse, mais qui comporte ses aléas. Car à voguer ainsi se salle en salle, dans des théâtres qui ne sont pas toujours faits pour la musique, il y a un double risque : de s’adapter chaque fois à des circonstances changeantes ; et de se heurter parfois à des conditions spécifiques, pour l’acoustique en particulier.
La grande salle de la Maison des Arts possède une vaste scène, un peu trop vaste, face à un amphithéâtre en moquette et velours. Et pour l’occasion de ce Così, la fosse d’orchestre se retrouve enterrée, de peu il est vrai. Mais suffisamment pour que le son qui s’en dégage paraisse étouffé ; alors que les volutes vocales des chanteurs sur scène s’évanouissent quelque peu dans les cintres. Il faut donc un temps pour s’acclimater à cette musique estompée. Mais passé cet instant, l’alchimie mozartienne prend forme et consistance.
Elle le doit surtout à la qualité des intervenants, chanteurs et instrumentistes. Le sextuor vocal réuni par l’Atelier lyrique trouve vite ses marques, dans des caractérisations individuelles claires et une conjonction d’ensemble. Gemma Ní Bhriain (Dorabella) et Andriy Gnatiuk (Don Alfonso) bénéficient davantage de vertus collectives. Quand Ruzan Mantashyan, Adriana Gonzalez et Tomasz Kumięga éclatent dans leurs personnages de Fiordiligi, Despina et Guglielmo. Oleksiy Palchykov constituant un état intermédiaire, pour un Ferrando blessé sans excès démonstratif. Le Chœur de chambre de la Maîtrise des Hauts-de-Seine s’empare quant à lui de ses courtes apparitions avec une simple mais vaillante conviction.
L’orchestre, celui de l’Orchestre-Atelier OstinatO (constitué de premiers Prix de conservatoires se formant au jeu d’orchestre), réalise pour sa part un sans faute : dans une belle couleur générale et des ponctuations instrumentales bien piquées. Et ce, en dépit des conditions : l’acoustique éteinte de sa fosse, que nous mentionnions, mais aussi la direction à laquelle il est soumis. Jean-François Verdier prend en effet, d’emblée, des tempos acerbes, sous une battue aride, brusque, mais précise. Si l’orchestre répond présent à ces ordres impitoyables, quelques flottements pour les ensembles vocaux disséminés sur la large scène, à la fin du premier acte, s’expliquent ainsi.
Il est vrai que la mise en scène de Dominique Pitoiset ne les favorise guère sur ce plan. On aurait pu imaginer un décor qui enserre les protagonistes. Mais ceux-ci vont et viennent dans un espace vide au milieu de mobiliers éparses, censés situer l’action dans une arrière-boutique de mode (ou un plateau de télé réalité, on ne sait). Mais la sauce prend. En raison d’un jeu d’acteurs net et bien campé, et de la symbiose du tout, chants et instruments. Opérant le miracle encore renouvelé, du tragique sublimé du chef-d’œuvre de Mozart et Da Ponte.
Pierre-René Serna
Mozart : Così fan tutte – Créteil, Maison des Arts, 19 juin ; prochaines représentations les 23 et 24 juin 2015 / www.maccreteil.com
Photo © Mirco Magliocca / Opéra national de Paris
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