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Journées de zarzuela à Cuenca - Un théâtre d’art ressurgi - Compte-rendu
Pour leur troisième édition, les Journées de zarzuela organisées par la Fondation Guerrero se donnent à un appendice peu connu de ce genre lyrique espagnol : la pantomime, dite aussi « théâtre d’art ». Ce terme recouvre une spécificité, historiquement datée, à savoir l’apparition entre 1916 et 1925 à Madrid d’un répertoire de zarzuelas de forme nouvelle : brèves, pour petit effectif instrumental (une quinzaine de musiciens), où l’action est mimée davantage que chantée ou parlée. Paradoxe pour un genre a priori destiné au chant ! Cela correspond toutefois à un moment particulier : quand la guerre fait rage dans le reste de l’Europe, et que Madrid devient le refuge de prestigieux artistes internationaux, dont les Ballets russes et Stravinsky. Émerge ainsi un répertoire voulu moderne, ambitieux artistiquement, d’où son intitulé, qu’illustreront, entre autres, Joaquín Turina, Pablo Luna et Manuel de Falla, lui aussi de retour au pays.
El corregidor y la molinera © Santiango Torralba
Ces deux derniers compositeurs sont ainsi à l’honneur de ces Journées célébrées, comme devenu de coutume, à l’auditorium de Cuenca, délicieuse bourgade au cœur de la Mancha de Don Quichotte. Avec deux ouvrages emblématiques : El sapo enamorado (Le Crapaud amoureux) (photo), recréation moderne de la riche et élaborée pièce de Luna étrennée en 1916, et, plus connu, El corregidor y la molinera (Le Corrégidor et la Meunière) de Falla. C’est l’occasion d’un spectacle en diptyque, conçu avec un rare talent poétique par Rita Cosentino, entre figurines évocatrices, mouvements virevoltants et vidéos suggestives. La part musicale revient à l’ensemble Drama, formé de dix-sept instrumentistes, sous l’égide dynamique de Nacho de Paz, avec l’appoint du chaud mezzo de Beatriz Oleaga. Un instant de rêve suspendu, destiné cependant à se perpétuer lors de cette saison au Teatro de la Zarzuela de Madrid (1) et par la gravure d’un DVD.
Deux autres soirées musicales ponctuent une série passionnante des conférences et tables rondes, en compagnie des meilleurs spécialistes venus du monde hispanophone (Mexique, Chili, Pérou, Espagne) ou d’ailleurs (Brésil, Allemagne, Angleterre). L’une livre un exceptionnel récital de piano par l’art de Duncan Gifford (pianiste australien converti en accompagnateur de chant zarzuélien à Madrid), réunissant un répertoire de transcriptions, par les compositeurs eux-mêmes, de pantomimes extraites de zarzuelas. D’une étonnante inspiration et complexité, notamment pour les pages de Rafael Calleja, Amadeo Vives ou, encore, Luna. Une manière de révélation.
L’autre concert se dédie à une formule davantage originale s’il se peut : « la zarzuela-jazz ». Il s’agit à nouveau de transcriptions, mais cette fois pour formation de jazz-band, comme il était de coutume dans les années 20 en Espagne et ailleurs. De fait, la couleur jazzy se fait peut sentir à travers des pages enlevées et souvent attachantes de compositeurs de zarzuelas d’époque : Francisco Alonso, José Serrano ou Federico Moreno Torroba… L’orchestre Gran Vía 78 (ou plutôt « orquestina », d’une douzaine de tout jeunes musiciens) ne manque pas de verve sous la direction d’un Gifford insufflant l’allant à partir de son piano. Trois jours marathon au dépaysement musical garanti, y compris pour tout fervent de zarzuela.
Pierre-René Serna
(1) du 24 au 27 février 2016 : teatrodelazarzuela.mcu.es/es/temporada/programa-pedagogico/el-sapo-enamorado-el-corregidor-y-la-molinera-2015-16
Journées de zarzuela – Cuenca, Espagne, 25-27 septembre 2015
Photo : El sapo enamorado © Santiago Torralba
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