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Edgar Moreau et Il Pomo d’Oro à la salle Gaveau – Ivresse baroque – Compte-rendu
Ils réveilleraient un mort. Très acidulés, ils agacent les dents et les oreilles, mais au final ils mettent en joie : les musiciens de Il Pomo d’Oro sont irrésistibles de charme, de vivacité, et d’un intense bonheur de jouer. Leur meneur Riccardo Minasi en premier, inénarrable personnage à l’air malin, l’air d’un éternel étudiant mais aux alertes en permanence comme un chat. Ce Romain de 37 ans a roulé son archet baroqueux avec les plus solides formations, telles Le Concert des Nations et le Concerto italiano. Animé d’un perpetuum mobile, il joue, (excellemment), dirige, fait des recherches musicologiques et enseigne à Palerme, quand ce n’est pas à la Julliard School, à l’Académie Sibelius ou au Conservatoire de Sidney ! Et a déjà enregistré quelques CD largement fêtés (notamment Stella di Napoli avec Joyce di Donato) (1). Ses six musiciens ont tous le vent en poupe, et assument la verdeur de leur répertoire avec jubilation.
Riccaro Minasi (au centre) et Edgar Moreau ( à dr.) © Julien Mignot
Ici, ils s’offrent un partenaire à leur mesure : avec Edgar Moreau (photo) et sa prodigieuse virtuosité, sa sonorité ambrée, les voilà partis dans une encore plus joyeuse équipée, qu’un CD (2) vient de fixer, consacré à de grands concertos baroques. Pour ce concert, où la plus franche bonne humeur régnait, l’entente entre l’orchestre, le chef, et le jeune violoncelliste était éclatante : on a particulièrement apprécié le magnifique Concerto G 479 de Boccherini, ainsi que l’irrésistible envolée des œuvres de Platti et Vivaldi, outre deux pièces de Hasse et Telemann, qui ne figurent pas dans le CD. Puis Moreau a quitté sa légèreté de feu follet pour descendre, avec un recueillement impressionnant, dans la Sarabande de la 3e Suite de Bach. De la jubilation, on est passé à la joie profonde, celle d’une beauté pure, coupée aussi bien de l’époque baroque que de la nôtre. Une fusion avec l’essence de la musique qui a dû lui rappeler les émouvantes minutes de la cérémonie d’hommage dans la cour des Invalides pour les victimes des attentats du 13 novembre, où son violoncelle plana.
Jacqueline Thuilleux
Salle Gaveau, le 14 décembre 2015.
(1) Pour lequel il dirige l’Orchestre de l’Opéra de Lyon (1 CD Erato)
(2) « Giovincello », Concertos pour violoncelle de Haydn, Vivaldi, Platti, Boccherini & Graziani /Edgar Moreau, Il Pomo d’Oro, dir. Riccardo Minasi (Erato)
Photo Edgar Moreau © Julien Mignot
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