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Orphée aux enfers à l’Opéra national de Lorraine – Des dieux très enveloppés
Rentrée tardive pour l’Opéra de Lorraine, qui a bénéficié de travaux de mise aux normes, et saison dominée par le mythe d’Orphée puisque l’on y trouve Orphée aux enfers, Orfeo de Rossi et Orphée et Eurydice de Gluck.
Mais pour l’heure, période des fêtes oblige, c’est à Offenbach d’occuper l’affiche avec une production signée Ted Huffman. Franche réussite du point vue musical et vocal, cet Orphée aux enfers nancéen laisse sur un sentiment plus mitigé quant à sa régie.
© Opéra national de Lorraine
Huffman situe l’action dans le hall d’un très chic hôtel art déco, avec ascenseur en fond de scène. Tables basses, fauteuils, plantes vertes et clientèle select ; ils disparaissent pour l’Olympe, remplacés par une longue table autour de laquelle on découvre, affalés, des dieux obèses, bidendumesques. Drôle de prime abord, l’option finit très vite par lasser... Les 3ème et 4ème tableaux se déroulent quant à eux autour d’un bar. Après le boudoir de Pluton - avec un John Styx déguisé… en porc-épic ! - , les Enfers voient surgir tout un bestiaire, les uns déguisés en grenouilles, les autres en homards, en volatiles divers, auxquels s’ajoutent les trois hommes-chiens (parfois un peu trop envahissants – aboiements, hurlements…) qui accompagnent Pluton depuis son apparition.
Le résultat n’a certes rien d’antipathique mais, comme pour certains repas de fête où la maîtresse de maison en a trop mis, la mise en scène de Teff Huffman finit par peser et cède à certaines facilités.
Gageons que lorsque le moment d’une reprise viendra, l’artiste américain saura dégrossir - c’est le cas de le dire -, dynamiser surtout une proposition qui, en l’état, force trop souvent le trait là où il faudrait laisser agir l’esprit d’Offenbach, faire corps avec lui.
Laurent Campellone © Charly Jurine
Ces réserves sont largement compensées par la qualité musicale du spectacle. Patron de l’Opéra national de Lorraine, Laurent Spielmann a réuni une distribution luxueuse. A commencer par Laurent Campellone qui, à la tête d’un Orchestre symphonique et lyrique de Nancy très impliqué, enthousiasme par son élégance, son énergie, son humour, sa délicatesse aussi dans les moments les plus tendres et délicats. Vraie leçon de style ! (1)
Côté voix, hormis l’Eurydice charmante mais hélas bien trop légère d’Alexandra Hewson, c’est le sans faute, a commencer par le bel Orphée de Sébastien Droy. Transformée en femme de ménage, l’Opinion publique possède abattage et caractère grâce à Doris Lamprecht. Le Jupiter de Franck Leguérinel se révèle d’un comique aussi irrésistible que celui de sa jalouse Junon (Edwige Bourdy), comique dont ne manque pas non plus le John Styx de Flannan Obé, même s’il paraît un peu contraint physiquement par sa, peu pratique, tenue de porc épic (ce que à quoi s’ajoute un poignet droit blessé pendant les répétitions).
Dans une forme focale éblouissante, Mathias Vidal signe formidable Pluton où s’illustre l’un des chanteurs les plus complets de la nouvelle génération française. Celle-ci brille aussi dans les emplois, modestes mais merveilleusement tenus, de Cupidon (Jennifer Courcier), Diane (Anaïs Constans), Vénus (Marie Kalinine), Minerve (Mathilde Nicolaus) et, enfin, Mercure dont le redoutable air est servi par un époustouflant Marc Mauillon. Le baryton a d’ailleurs pris ses quartiers à Nancy pour quelques semaines puisque, après Offenbach, il tiendra le rôle de Momo dans l’Orfeo de Rossi dont la recréation scénique (sous la direction musicale de Raphaël Pichon et dans une mise en scène Jetske Mijnssen) promet de faire l’événement à l’Opéra national de Lorraine du 4 au 10 février (2). Enfin, très sollicité par la mise en scène de Ted Huffman, le Chœur de l’Opéra de Lorraine, bien préparé par Merion Powell, se montre lui aussi à la hauteur de l’enjeu.
Alain Cochard
(1) Excellente nouvelle, c’est Laurent Campellone qui dirigera le Fantasio d’Offenbach (mise en scène de Thomas Jolly) lors de la réouverture du l’Opéra Comique en janvier 2017 !
(2) Puis à l’Opéra Royal de Versailles les 19 et 20 février 2016
Offenbach : Orphée aux enfers – Nancy, Opéra, 29 décembre 2015, prochaines représentations les 1er, 2 et 3 janvier 2016
www.opera-national-lorraine.fr
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