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Le Trouvère à l’Opéra Bastille – Plateau en or
Tiens, la Grande Boutique aurait-elle remisé le Trovatore de Francesca Zambello, avec son inénarrable et si peu pratique voie ferrée ? Il semble bien que oui, puisque Bastille présente une nouvelle production venue d’Amsterdam et signée Alex Ollé pour La Fura dels Baus. Cet univers de caserne et de bûcher devrait l’inspirer, lui qui voyait déjà dans Un Ballo in maschera un opéra discourant de la montée du Fascisme…
Lorsque Verdi décida de tirer de la pièce El Trovador d’Antonio García Gutiérrez ce qui allait devenir un de ses plus fameux opéras il demanda à Riccordi un dictionnaire espagnol-italien : le drame de l’Ibère ne fut jamais traduit en italien, mais ce sujet si concentré inspira au musicien un opéra lapidaire en quatre actes à la progression dramatique aussi implacable qu’aux péripéties improbables. C’est que Verdi exigea de Cammarano, auquel il confia finalement le livret, de le délivrer des cavatines, duos, trios, bref de tout l’arsenal de l’opéra belcantiste pour réinvestir le pur champ du théâtre d’action. D’où, malgré ses incongruités, la modernité inaltérable d’Il Trovatore et son succès mondial qui fut immédiat : neuf années après sa création le 19 janvier 1853 au Teatro Apollo de Rome, Verdi écrivait à un de ses proches : « Où que vous alliez aux Indes ou au centre de l’Afrique, vous y entendrez Il Trovatore. ».
Toscanini rappelait que l’ouvrage ne pouvait tenir qu’à la condition expresse de réunir cinq chanteurs de première force, car Verdi se livre dans son opéra espagnol à une orgie de sons qui force ses interprètes à outrepasser toutes leurs limites, et d’abord vocales. Le quintette que réunit l’Opéra de Paris est, sur le papier, de l’or pur : le Manrico subtil de Marcelo Álvarez rembourse son « Di quella pira » prudent par un style qu’on n’y entend plus depuis Bergonzi, et c’est encore le style qui sera la signature du Conte de Luna selon Ludovic Tézier. Ekaterina Semenchuk campera son Azucena hallucinée – mais il faudra probablement lui préférer le chant surveillé de Luciana d’Intino qui reprend la gitane sur les représentations de mars - Roberto Tagliavini fera tonner son Ferrando, mais tous n’auront d’yeux et d’oreilles que pour la Leonora d’Anna Netrebko (photo) : avec cet emploi elle a définitivement conquis le grand spinto verdien qui lui aura permis entre temps d’aborder Lady Macbeth. Gageons que Daniele Callegari saura lui peindre le sombre décor où de son soprano de grâce elle prononcera l’ineffable « D’amor sull’ali rosee ».
Jean-Charles Hoffelé
Giuseppe Verdi : Le Trouvère
31 janvier, 3, 8, 11, 15, 20, 24, 27, 29 février, 63, 6, 10 et 15 mars 2016
Paris - Opéra Bastille
www.concertclassic.com/concert/le-trouvere-de-verdi-2
Photo © Dario Acosta
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