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Louis Langrée dirige l’Orchestre des Champs-Elysées – Hymne à la couleur – Compte-rendu
Il y a deux ans, au terme des représentations de Pelléas et Mélisande à Favart, Louis Langrée (photo) et l’Orchestre des Champs-Elysées donnaient un programme français, dominé par une mémorable Symphonie en si bémol majeur de Chausson. Parfaite entente, pertinence du résultat : on s’impatientait de retrouver le chef avec cette phalange et on aura d’autant moins hésité à aller les entendre que le répertoire français était à nouveau à l’honneur - et que les passages de Louis Langrée à Paris ne sont, malheureusement, pas très fréquents.
Bien lui en a pris de sortir de l’oubli le rare Hymne à la justice (1902) d’Albéric Magnard (un morceau avec lequel le compositeur manifestait son soutien au Capitaine Dreyfus) : une entrée en matière idéale, surtout quand les interprètes s’en emparent avec autant de conviction. Dès l’emportement rageur des premières mesures, ils sont au cœur de leur sujet et Langrée sait ensuite maintenir la tension tout en sondant les richesses d’une musique pleine de noble lyrisme.
On attendait Anna Caterina Antonacci dans le Poème de l’amour et la mer de Chausson ; souffrante, elle a été remplacée par Gaëlle Arquez. La poésie était en tout cas bien au rendez-vous. Simplicité, attention aux mots et à la prosodie chez la mezzo, souplesse de la direction de Langrée : l’ouvrage de Chausson trouve continûment sa juste respiration. Les interprètes le débarrassent du pathos et des tics « fin de siècle » pour en renouveler l’écoute, avec un prégnante intensité expressive. Quelques instants s’écoulent avec que ne résonnent les premiers applaudissements ; difficile il est vrai de rompre le charme après un tel moment ...
Complément idéal au programme, La Mer occupe la seconde partie. De bout en bout, le concert aura constitué un véritable hymne à la couleur orchestrale. Geste ample, Langrée imprime un souffle merveilleux au chef-d’œuvre debussyste, tout en en demeurant attentif au détail d’une écriture incroyablement fragmentée (remarquables Jeux de vagues !). Fourmillante de vie, la partition tant de fois entendue se déploie avec une solaire ivresse des timbres ; maîtrise et spontanéité s'équilibrent idéalement.
Sans parler d’une justesse stylistique qui ravit à nouveau au moment du bis avec un Prélude à l’après-midi d’un faune magique de fluidité. Un rêve éveillé.
Alain Cochard
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 13 février 2016
Photo © Benoit Linero
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