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Vittorio Forte en récital à l’Institut Goethe – Sur les ailes du chant – Compte-rendu
Depuis l’origine – un enregistrement avec les Solistes de Marseille de Devy Erlih il y a... quelques lustres – le label Lyrinx est demeuré attaché à une politique artistique faite de curiosité et de fidélité, dans le domaine du piano en particulier. A la fin de la décennie passée, Suzanne et René Gambini publiaient un premier CD de Vittorio Forte (photo), dédié à des opus de Muzio Clementi. Cette magnifique interprétation d’un auteur injustement mésestimé révélait la personnalité attachante de l’interprète italien (né en 1977), dont le parcours assez atypique l’a conduit à travailler avec des maîtres tels que Paul Badura-Skoda, Menahem Pressler et Fou Ts’ong.
Intense et poétique, le jeu de Forte s’est par la suite illustré en studio dans des pages de Schumann et dans un merveilleux dialogue Couperin-Chopin. Toujours chez Lyrinx, un récital intitulé « Voyage mélodique » (1) vient de sortir et confirme la place éminente de Vittorio Forte dans le paysage du piano italien, aux côtés de Pietro de Maria et de Maria Perrotta. Mais la curiosité n’étant pas toujours le trait dominant des organisateurs de concerts parisiens, on n’a hélas guère l’occasion d’entendre ces interprètes dans la capitale ...
Il est heureusement quelques exceptions, telle la série « Classique en Suites » que François Segré programme à l’Institut Goethe. Pas curieux le public ? Mon œil ! Donnez-lui de vrais motifs et il est au rendez-vous : salle pleine à craquer pour assister au récital de Vittorio Forte dans un programme à peu de choses près identique à celui du CD « Voyage mélodique ».
Le Blüthner trop mat et pauvre en harmoniques que le soliste a à sa disposition n’est hélas pas le vecteur idéal pour ces Schubert/Liszt, Mendelssohn/Liszt, Chopin/Liszt, Rachmaninov/Wild et Gershwin/Wild ... On sent un effort d’adaptation à l’instrument dans les Schubert qui ouvrent la soirée (Fruhlingsglaube, Auf dem Wasser zu singen, Gretchen am Spinnrade, Die Forelle), mais Forte dépasse ces contingences pour mieux faire savourer le suc poétique des pages qui se succèdent.
Transcriptions ? La virtuosité de Liszt, son travail d’appropriation créatrice n’entravent jamais la vocalité de l’expression. Auf Flügeln des Gesanges : chez Mendelssohn, comme partout ailleurs, ce sont bien les ailes du chant qui portent continûment le jeu de Forte, avec naturel et refus de tout sentimentalisme : quelle justesse des caractères dans Zyczenie et Moja pieszczotka de Chopin, quel authentique élan amoureux dans la Widmung schumanienne, après l’irrésistible foisonnement de Frühlingsnacht.
Menées avec un tact parfait, trois mélodies de Rachmaninov transcrites par Earl Wild (O cease thy singing, Midsummer nights, Vocalise), précèdent la cerise sur le gâteau : quatre des Sept Etudes de virtuosité sur des thèmes de Gershwin du même Wild (The man I love, Embraceable you, Summertime, Fascinating rythm) où la musique triomphe, avec chic et élégance. Wildien en diable : chapeau l’artiste !
Alain Cochard
(1) Oeuvres de Schubert/Liszt, Mendelssohn/ Liszt, Chopin/Liszt, Schumann/Liszt, Rachmaninov/Wild, Gershwin/Wild - Lyrinx LYR 2296/ dist. Socadisc
Paris, Goethe Institut, 23 février 2016
Photo © vittorioforte.com
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