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Rencontre avec… le Quatuor Diotima - « La création est une histoire continue »
Le 21 mars, le Quatuor Diotima fête ses vingt ans aux Théâtre des Bouffes du Nord, vingt années pendant lesquelles il s’est forgé une identité forte. Acteur essentiel de la création musicale, il revendique sa liberté artistique et le choix des compositeurs dont il crée les œuvres comme celui du répertoire plus ancien qu’il continue inlassablement d’explorer.
« Il y a vingt ans, se souvient le violoncelliste Pierre Morlet, seul membre de la formation originelle à avoir traversé toute l’histoire du quatuor, nous n’avions pas forcément l’intention de jouer du quatuor ». L’occasion se présente cependant de se rassembler à quatre musiciens, quatre étudiants du Conservatoire, pour jouer à Darmstadt une œuvre d’Alain Bancquart – « à l’époque, nous n’avions même pas de nom ! ». L’aventure se poursuit, encouragée par des compositeurs ravis d’avoir à leur côté des musiciens prêts à servir la création.
Les quatre musiciens, qui entrent en 3e cycle au Conservatoire de Paris, ont bien l’intention de tenir leur place dans l’émergence de musiques nouvelles pour quatuor mais ils entendent aussi jouer le répertoire. « C’est Jean Sulem, notre professeur au Conservatoire, lui-même ancien membre de l’Ensemble intercontemporain, qui nous y a incité, précise Pierre Morlet. Nous voulions faire se rencontrer les œuvres antérieures avec celles des compositeurs avec qui on travaillait ». Le quatuor multiplie les rencontres, travaille avec Walter Levin, du Quatuor LaSalle auprès de ProQuartett, l’association fondée par Georges Zeisel. Il prend alors le nom de Diotima, référence à une partition singulière de l’avant-garde (Fragmente-Stille, an Diotima de Luigi Nono), mais aussi, à travers elle, référence au romantisme de Hölderlin.
Cette référence est importante, comme le souligne l’altiste Franck Chevalier : « Nous cherchons toujours à insérer la création dans l’histoire de la musique, parce que l’histoire de la création est une histoire continue. Sa force est la même du temps de Beethoven, de Berg ou de Lachenmann ».
Le Quatuor Diotima refuse ainsi une spécialisation qui peut conduire à « produire de la création de façon industrielle ». Comment alors choisir les compositeurs et les œuvres à mettre en avant ? « Il n’y a pas de règles, répond Franck Chevalier. Souvent, ce sont les compositeurs qui viennent vers nous ». Chaque semaine apporte son lot de partitions que les compositeurs leur soumettent – pas nécessairement des œuvres pour quatuor – et les quatre musiciens profitent souvent de leur participation aux festivals pour partir à la recherche de « nouveaux talents, nouveaux visages, nouvelles esthétiques ».
Quatuor globe-trotter, les Diotima aiment sortir des visions encore très nationales qui façonnent le monde musical de chaque pays. Ils nouent ainsi des relations privilégiées avec les festivals de Witten en Allemagne ou d’Huddersfield en Angleterre et, installés depuis toujours en région Centre, créent leur propre académie à l’Abbaye de Noirlac, qui devient un lieu d’échanges entre jeunes compositeurs et jeunes instrumentistes.
© Verena Chen
Dans ce domaine, le Quatuor Diotima a en effet beaucoup à transmettre de son expérience auprès des compositeurs. Car, si le premier travail se fait toujours d’abord seuls face à une partition inconnue, il faut ensuite saisir cette « chance incomparable de pouvoir dialoguer avec le compositeur ». Pour Yun-Peng Zhao, premier violon, il ne s’agit pas seulement de résoudre les problèmes techniques, les « inconforts musicaux » que peut receler une œuvre nouvelle, mais vraiment de « participer à la réflexion, finaliser l’œuvre ».
Vingt ans après, la force et l’intelligence du travail du quatuor s’entendent. Un concert du Quatuor Diotima, c’est l’assurance d’un moment musical stimulant, qui met en écoute les œuvres et les époques les unes par rapport aux autres. Comme le souligne Yun-Peng Zhao, dans une société où « les oreilles se fatiguent vite, il faut intéresser en permanence ». Et, évidemment, jouer aussi bien le répertoire d’aujourd’hui que les « classiques ». Les quatre musiciens considèrent ainsi l’enregistrement de l’intégralité des quatuors de l’École de Vienne (Schoenberg, Berg Webern), qui vient de paraître chez Naïve, comme un « point de référence », aboutissement de plusieurs années de travail – qu’a rejoint en 2014 Constance Ronzatti, second violon du quatuor depuis 2014.
Pour Franck Chevalier, il était important de jouer absolument toutes les pièces pour montrer l’évolution et les différences entre les trois – et l’influence exercée depuis par chacun d’entre eux sur différentes générations de compositeurs ». On en revient toujours à cette continuité : pour l’auditeur, l’interprétation magistrale de ces classiques du 20e siècle ne peut qu’inviter à la découverte de la création d’aujourd’hui, à laquelle le Quatuor Diotima consacre désormais chez Naïve sa propre série de monographies. Après un premier disque consacré au Tchèque Miroslav Srnka, sont annoncés ceux consacrés à Alberto Posadas, Gérard Pesson et Enno Poppe, trois compositeurs avec qui le Quatuor Diotima a déjà construit une riche histoire. De quoi garder encore longtemps les oreilles grandes ouvertes.
Jean-Guillaume Lebrun
Concert anniversaire du Quatuor Diotima
Yun-Peng Zhao, Constance Ronzatti (violons), Franck Chevalier (alto), Pierre Morlet (violoncelle)
Œuvres de Beethoven, Strasnoy et ... surprise !
21 mars – 20h30
Paris – Théâtre des Bouffes du Nord
www.bouffesdunord.com/fr/saison/55841142a726d/quatuor-diotima
Concert Schoenberg, le lundi 28 mars 2018, dans le cadre du Printemps des Arts de Monte-Carlo / www.printempsdesarts.mc/fr/edition-printemps-des-arts/programme-14/les-grands-quatuors-2-quatuor-diotima-121
A écouter :
- Œuvres complètes pour quatuor de Schoenberg, Berg et Webern (5 CD Naïve)
- Musique de chambre de Miroslav Srnka (1 CD Naïve – collection Quatuor Diotima)
Photo © Verena Chen
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