Journal
La Juive d’Halévy à l’Opéra de Lyon - Rachel, quand du Seigneur ! – Compte-rendu
Olivier Py la délivre absolument des oripeaux de la tradition, suivant Scribe par un spectacle au cordeau, autant que la musique d’Halévy dont il magnifie le sentiment. Je lui pardonne volontiers la mise en regard facile, inévitable, avec l’actualité des réfugiés, cette scorie attendue ne met pas le moindre bémol à son travail sur la dramaturgie d’une œuvre dont il a compris le fond et le sens quitte à nous la montrer sans apparat, et tant mieux.
Daniele Rustioni le suit à la lettre, refusant la pompe pour cherchez la poésie – le Seder est prodigieux de tension et de recueillement – laissant la foule pour se consacrer aux âmes, faisant entendre cet orchestre merveilleux d’économie où paraissent Mendelssohn, Weber et Wagner (qui défendit La Juive avec éloquence) : il faut être sourd pour ne pas voir qu’il y a de l’Agathe et de l’Elizabeth en Rachel, incarnée par une fabuleuse Rachel Harnisch, timbre diapré, mots éloquents, silhouette fragile mais dressée, fière. Nikolaï Schukoff entraîne Eleazar très loin du côté sombre, mordant, acerbe, terrible de bout en bout, et assumant crânement la tessiture, alors qu’Enea Scala renvoie Leopold à la fatuité du ténor rossinien, vocalises et aigus héroïques d’un velléitaire. Pour Brogni, le bronze de Roberto Scandiuzzi sonne pur luxe, et apporte la touche italienne que le rôle impose. Magnifique le Ruggiero de Vincent Le Texier !
Avec Eudoxie, Olivier Py s’amuse un peu : Sabina Puértolas lui obéit au doigt et à la voix, mais sans avoir le rêve de belcanto, et la tenue noble qu’y met aujourd’hui Annick Massis, une reine et non pas une princesse d’opérette.
C’est broutille ; je sortais du spectacle transporté, certain d’avoir compris enfin ce chef-d’œuvre.
Jean-Charles Hoffelé
Photo © Bertrand Stofleth
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