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Jonas Kaufmann, Daniele Gatti et l’Orchestre National de France au Théâtre des Champs-Elysées – Un concert habité – Compte-rendu
Le concert proposé par Daniele Gatti et l’Orchestre National de France, entre deux représentations du Tristan und Isolde qu’ils jouent actuellement au TCE, présentait un double intérêt : son programme, puisé dans le répertoire germanique du XIXème siècle, faisait écho à la production du moment et bénéficiait de la présence du magnétique Jonas Kaufmann (photo). Imprégné des couleurs crépusculaires et de la tension délétère propres au drame wagnérien, le National de France, tout à l’écoute de son chef, s’est d’abord illustré dans le rare poème symphonique Orphée de Liszt, pièce brève, aux accents célestes, exécutée avec un souci de transparence et de clarté en parfaite osmose avec cette délicate partition.
Après l’annulation de son concert Puccini prévu en octobre dernier, Jonas Kaufmann retrouvait la salle de l'avenue Montaigne pour y interpréter les Wesendonck Lieder de Wagner qu’il n’avait pas encore abordés en France. Prudent face à une tessiture plus basse que de coutume et donc plus risquée, chose perceptible surtout dans le Der Engel introductif, le ténor a - comme au disque avec Donald Runnicles (Decca) - livré une performance vocale d’exception. Sans jamais forcer, ni surjouer, Kaufmann, comme isolé dans son monde intérieur, n’oublie jamais de sculpter la phrase déroulée sur le souffle, de nuancer et de relever tout ce que les mots de Mathilde Wesendonck peuvent avoir de signifiants pour l’oreille et l’esprit. Sa manière de capter l’attention (Stehe still), de dialoguer avec le public en affranchissant les distances (Schmerzen) est unique, d’autant que la patine de son timbre, la beauté de ses aigus piani (Im Treibhaus) et le soin apporté à l’articulation, sont là pour accentuer sa recherche d’expressivité.
Daniele Gatti @ DR
Ces évocations tristanesques passées, Gatti et son orchestre ont brillamment exécuté la 7ème Symphonie de Bruckner. L’œuvre, puissamment charpentée, évoluant sans cesse entre le doute et la sérénité, a culminé dans un somptueux Adagio où cohabitaient l’inquiétude la plus aiguë et l’émotion la plus palpable. Veillant sur ses instrumentistes, dont on a pu admirer la précision, avec la vigilance nécessaire, le maestro italien ne s’est laissé submerger ni par les débordements éruptifs qui émaillent chaque section, ni par le ton empreint de mystère et de religiosité qui caractérisent la musique de Bruckner. Un concert proprement habité.
François Lesueur
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 19 mai 2016
Photo © Miquel González
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