Le Festival des Forêts, qui se tient jusqu’au 17 juillet autour de Compiègne, invite le compositeur Philippe Hersant. Ce musicien prolifique, trois fois désigné « compositeur de l’année » par les Victoires de la Musique (dont, en 2015, pour ses magnifiques Vêpres de la Vierge créées à Notre-Dame de Paris)(1), sera présent le 29 mars pour parler de sa musique. Deux œuvres nouvelles seront créées : Hypnos viendra, le 30 juin, rejoindre les pages déjà écrites pour la viole de gambe par le compositeur. Le 5 juillet verra la création d’Usher par la harpiste Isabelle Moretti et le Quatuor Hermès.
 

Isabelle Moretti © Eric Larrayadieu

C’est la deuxième fois que Philippe Hersant écrit pour Isabelle Moretti. En 2006, il avait composé à sa demande Le Tombeau de Virgile, un concerto qui a rapidement trouvé sa place au sein du répertoire de l’instrument. La harpe était pourtant alors un instrument relativement discret dans la panoplie expressive du compositeur. « Ma découverte de la harpe, raconte-t-il, remonte en fait à Bamyan, une pièce écrite en 2002 pour le concours Lily Laskine à la demande de Marielle Nordmann. Jusqu’alors, je n’avais employé la harpe qu’au sein de l’orchestre [il y a une partie assez importante pour cet instrument dans l’opéra Le Château des Carpates]. Je redoutais un peu de l’utiliser dans une pièce solo. N’étant pas harpiste, je craignais d’écrire quelque chose qui ne « sonne » pas ou de tomber dans les clichés de la littérature pour harpe : surabondance d’arpèges, de glissandi… Avec Bamyan, j’ai découvert que les effets de résonance qu’on peut obtenir avec la harpe convenaient très bien à mon style musical. J’ai approfondi cela dans mes Trois Nocturnes pour flûte, alto et harpe puis dans mon Tombeau de Virgile, où l’écriture est plus variée et où j’exploite davantage les possibilités expressives et mélodiques de l’instrument ».
 

Quatuor Hermès © Julien Mignot
 
Dans sa nouvelle œuvre, inspirée par la nouvelle d’Edgar Poe La Chute de la maison Usher, Philippe Hersant associe la harpe à un quatuor à cordes. Il en fait ainsi le pendant du Conte fantastique (1923) d’André Caplet, qui a lui aussi pour prétexte littéraire une nouvelle de l’écrivain américain (Le Masque de la mort rouge). Comme André Caplet, Philippe Hersant ne vise pas à illustrer musicalement la nouvelle de Poe mais souhaite « dresser un portrait musical de son personnage principal, Roderick Usher, cet homme étrange qui souffre d’une sensibilité exacerbée de tous les sens, et tout particulièrement de l’ouïe ». Dans cette œuvre qu’il qualifie lui-même de « pièce d’atmosphère », le compositeur a donné à la harpe un rôle soliste assez marqué : « elle imprime à la pièce son atmosphère mélancolique, sombre, presque morbide parfois, comme l’est la nouvelle de Poe. Le quatuor à cordes, bien sûr, la soutient et lui fait écho, amplifie ses interventions - mais je dirais que la figure de Roderick Usher est incarnée par la harpe ». Usher est aussi pour Philippe Hersant l’occasion de se rapprocher de l’univers de Debussy, qui avait envisagé l’écriture d’un opéra sur la nouvelle d’Edgar Poe, finalement laissé inachevé : « je lui ai emprunté quelques éléments mélodiques ou harmoniques – tout particulièrement le petit leitmotiv obsédant qui ouvre le prélude de l’opéra. On trouve aussi quelques échos sur un morceau de salon connu sous le nom de « dernière valse de Carl Maria von Weber », sur laquelle le narrateur de la nouvelle de Poe nous dit que Roderick Usher improvisait parfois ».
 
Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun

 (1) Lire le compte-rendu de la création par Michel Roubinet : www.concertclassic.com/article/les-vepres-de-philippe-hersant-notre-dame-de-paris-musique-de-lespace-compte-rendu 

Isabelle Moretti (harpe), Quatuor Hermès
Œuvres de Debussy, Schubert et Hersant
mardi 5 juillet 2016 - 20h30
Abbaye de Saint-Jean-aux-Bois (Oise).
www.festivaldesforets.fr
 
Photo Philippe Hersant © A. Yanez