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« Portraits d’Espagne » par l’Orchestre national de Lille sous la direction de Víctor Pablo Pérez - En fines touches - Compte-rendu

Le concert de musique espagnole donné à Lille dans l’auditorium du Nouveau Siècle tient toutes ses promesses. Et même au-delà. Le programme était déjà en lui-même alléchant, associant des œuvres connues, la seconde Suite du Tricorne et le populaire Concerto d’Aranjuez, en forme d’appel au public, à des pages rares que sont Manfred de Xavier Montsalvatge et Diez melodías vascas de Jesús Guridi. La présence devant l’Orchestre national de Lille de Víctor Pablo Pérez (photo), baguette éminente s’il en est au service du répertoire ibérique, constituait aussi une manière garantie.
 
De fait, l’entente entre le chef et la phalange lilloise tient du creuset, d’où ressort une transmission d’exception. Passés quelques premiers flottements, le temps d’un échauffement, tout se met en place dans une rigueur emportée : depuis les couleurs postromantiques et descriptives de la Suite que Montsalvatge a tirée en 1945 de son ballet inspiré du poème de Byron, jusqu’aux subtiles effluves néobaroques (et bien peu pittoresques) des Dix mélodies basques écrites pour orchestre en 1940 par Guridi. Preuve, s’il en fallait, des vertus de malléabilité comme de précision, de la magnifique formation des « Hauts-de-France ».
La battue maîtrisée de Pablo Pérez, souple et méticuleuse à la fois, a trouvé son répondant ; de surcroît pour des pages d’inspirations aussi diverses et qui n’entrent pas forcément dans les cordes des habitudes de concert. À cet effet général contribue – et ce n’est pas le moindre ! – l’acoustique nette de cette salle entièrement rénovée il y a trois ans avec une parfaite et exemplaire réussite.
 
Brillant final, la Suite n° 2 du Tricorne, que Manuel de Falla a extrait de son ballet (triomphalement accueilli à Londres en 1919 dans une chorégraphie des Ballets russes et des décors de Picasso), lui-même issu de sa petite zarzuela El corregidor y la molinera (Le Corrégidor et la Meunière), explose des mille éclats qui l’enflamment. Bien qu’ici, les instrumentistes jouent parfois sur le fil d’un débordement que l’on aurait souhaité plus percutant.
 
Entre le grand déploiement d’orchestre de ces trois pages, s’intercalent la musique chambriste et la formation réduite du célèbre Concerto de Joaquín Rodrigo. Les timbres sonnent toujours clairement, qui offrent à redécouvrir certaines audaces harmoniques dans les deux mouvements extrêmes, mais un peu perdus sur le vaste plateau. La guitare soliste résulte ainsi nécessairement sonorisée, autre déviance pour cette partition de caractère intimiste. Juan Manuel Cañizares, guitariste venu du flamenco et compagnon de route de Paco de Lucía, n’en prodigue pas moins une dextérité en jolis traits. Quand bien même sa cadence, en forme d’improvisation, s’étend par trop à plaisir. Mais le public lillois (attentif et d’une belle qualité) de lui réserver un triomphe tapageur et mérité, que récompense un bis tout autant improvisé dans un délicat délié.
 
Pierre-René Serna

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 Lille, Auditorium du Nouveau Siècle, 30 juin 2016.

Photo © DR

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