Journal
Festival de Royaumont 2016 – Voix et clavier(s)
Pari tenu en tout cas : place au Festival 2016 ! Le partage de la manifestation en deux parties adopté l’an dernier s’étant révélé peu concluant, Francis Maréchal et son équipe ont préféré renouer avec l’ancienne formule en un seul bloc, des tout derniers jours d’août au début d’octobre.
Après une entrée en matière côté Jardin (marquée entre autres par l’inauguration de « Carré Magique », installation sonore dans le Jardin-Potager imaginée par le compositeur Jean-Luc Hervé), le Festival de Royaumont entre dans le vif du sujet à partir du 3 septembre. Les proposition s’avèrent comme toujours très variées, de la musique médiévale à la danse contemporaine, d’inédits de Froberger à Beethoven et Chopin sur pianos d’époque ; aucun thème général ne les unifie, mais deux grands axes se dégagent : la voix et les claviers.
Le week-end (3-4 sept.) conçu par le programme Voix Nouvelles de Royaumont (dont Jean-Philippe Wurtz assure désormais la direction) donne le ton dans le domaine contemporain puisqu’on y trouve à la fois les pianistes Imri Talgam et Stephanos Thomopoulos et l’ensemble vocal américain Exaudi, placé sous la direction de James Weeks.
Dans le domaine vocal, l’édition 2016 retient évidemment l’attention par la présence de Raphaël Pichon et de Pygmalion pour une soirée «La Pellegrina - Fêtes polychorales pour les Médicis » (1er oct.). C’est là le couronnement d’une résidence de trois ans à la Fondation du jeune chef et d'un ensemble qui fête ses 10 ans. Pour cette fin de résidence, précise Edouard Fouré Caul-Futy (directeur du Programme voix et de l’Unité scénique de Royaumont), « nous avons cherché un programme qui se démarque de tout ce que Pygmalion avait pu proposer auparavant. Il est né à Royaumont, résulte de nombreux échanges avec Raphaël Pichon et fera l’objet d’un enregistrement chez Harmonia Mundi. C’est une musique faite pour émerveiller ». Le projet confirme en tout cas qu’à côté de Bach et Rameau, Pygmalion est bien décidé à poursuivre dans la voie italienne si brillamment ouverte la saison dernière avec l’Orfeo de Rossi à l’Opéra National de Lorraine. (1)
Raphaël Pichon maintiendra toutefois des liens privilégiés avec la Fondation grâce à la «Chaire musicale Bach » qui lui a été confiée pour trois ans. Elle est, selon E. Fouré Caul-Futy, « un moyen de capitaliser sur l’expérience et la connaissance » du chef s’agissant de Bach et permettra à Royaumont de continuer à former de jeunes chanteurs à ce compositeur (avec la collaboration de personnalités telles que Julian Prégardien, Christian Immler, Mark Padmore, etc.)
Autre temps fort du Festival 2016, le programme « Dufay en Italie » de Graindelavoix (photo) - collectif belge en résidence pour la deuxième année à Royaumont- est lui aussi impatiemment guetté. « Des extra-terrestres, s’enthousiasme E. Fouré Caul-Futy. Ces chanteurs viennent de huit pays différents et possèdent chacun un véritable univers. Ils sont incomparables dans le domaine de la musique ancienne ! » Après avoir abordé des musiques des XIIe et XIVe siècles, c’est vers le XVe et Dufay que Björn Schmelzer et ses partenaires se tournent. « Ils vont se réapproprier un répertoire souvent chanté de manière très verticale, le « resensualiser », travailler sur les affects.» Ceux qui ne connaîtraient pas encore Graindelavoix trouveront là une occasion idéale pour découvrir un ensemble singulier que la France ne reconnaît pas encore autant que d’autres pays européens.(2)
Royaumont ne serait pas Royaumont sans la mélodie et le lied et Bernarda Fink est cette fois l'hôte de la Fondation pour un récital Mahler, avec Anthony Spiri au clavier (10 sept.). Le choix du compositeur autrichien apparaît d’autant plus logique que Royaumont est en passe de signer une convention avec la Médiathèque musicale Gustav Mahler. Ces liens naissants s’illustrent d’ailleurs aussi lors des récitals d’Imri Talgam et Stephanos Thomopoulos, interprètes qui ont pu consulter des documents issus du précieux Fonds Claude Helffer conservé à la Médiathèque Mahler.
Un concert à Royaumont ne se réduit pas à un concert ; celui de Bernarda Fink sera suivi de trois journées de formation pour huit jeunes chanteurs européens, encadrés par la mezzo argentine et son pianiste. Lied et mélodie sont des domaines auxquels E. Fouré Caul-Futy entend consacrer « beaucoup d’énergie » dans le futur. En 2017, Véronique Gens et Ian Bostridge se produiront à l’Abbaye et partageront leur expérience avec de jeunes collègues.
Quant à l’Unité scénique, si elle ne fournit pas de projet visible au Festival 2016, on sait qu’un Nain de Zemlinsky (en version de chambre pour vingt instruments) se prépare, en coproduction avec l’Opéra de Lille. Le spectacle y sera créé en novembre 2017, avant d’être repris sur diverses scènes.
La musique pour clavier(s), domaine placé sous la direction artistique de Sylvie Brély, par ailleurs déléguée générale aux programmes artistiques de la Fondation, occupe comme toujours une place de choix au Festival. 2016 s’est bien peu soucié du 400ème anniversaire de la naissance de Johann Jakob Froberger, musicien voyageur au parcours étonnant. Sachons gré à Royaumont de s’en être souvenu. Le week-end des 1er et 2 octobre met l’auteur des Diverse curiose e rarissime Partite en lumière avec trois concerts réunissant l’ensemble Les Cyclopes, Bibiane Lapointe (clavecin) et Thierry Maeder (orgue), Jean-Luc Ho ou Andreas Staier (auquel revient le privilège d’interpréter cinq inédits, issus du « Manuscrit de Londres » acquis par un collectionneur en 2006).
Aussi riche soit-elle en documents précieux, la Bibliothèque musicale François-Lang (dirigée par Thomas Vernet) de la Fondation Royaumont ne comporte pas de source relative à Froberger, mais la célébration du compositeur la conduit toutefois à organiser (du 30 sept. au 2 oct.), en partenariat avec l’IreMus (3), un colloque international autour du compositeur allemand.
La musique pour clavier, du XIXe siècle en l’occurrence, occupe aussi le Festival 2016 lors de son week-end de clôture (8 et 9 oct.), tout entier consacré au thème « L’éloquence romantique au piano : Vienne et Paris autour de Beethoven et Chopin ». Ce point d’orgue importe d’autant plus à Sylvie Brély qu’il est « le fruit du travail mené depuis trois ou quatre ans à Royaumont sur le piano romantique et les instruments historiques. »
Malcolm Bilson, Alexei Lubimov, Tom Beghin, Elizaveta Miller, Edoardo Torbianelli : d’éminents spécialistes de l’interprétation « historiquement informée » seront présents à l’Abbaye pour un grand raout pianistique comportant récitals, ateliers d’interprétation, conférences, sans oublier un colloque international (du 7 au 11 oct.) ponctué de diverses communications publiques - dont une à Paris au Musée de la musique (le 10 oct.) sur le thème : « Piano Erard, production et diffusion à l’étranger ». L’occasion de souvenir de l’époque glorieuse où la France comptait 233 facteurs de pianos, dont 98 à Paris ... (4)
Alain Cochard
Festival de Royaumont
Abbaye de Royaumont
Jusqu’au 9 octobre 2016
www.royaumont.com/fr/actualite/festival-2016-programme
(1) On n’oublie pas pour autant une merveilleuse incursion dans le répertoire romantique allemand, illustrée par le CD « Rheinmädchen » (Harmonia Mundi - HMC 902239)
(2) Si vous ne pouvez vous rendre à Royaumont le 11 septembre, notez que Graindelavoix donne le programme « Dufay et l’Italie » la veille à 19h à Paris, au Musée de Cluny-Musée national du Moyen Âge.
(3) Institut de recherche en Musicologie www.iremus.cnrs.fr
(4) Chiffres de 1830.
Photo Graindelavoix © Koen Broos foyer
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