Journal
Une nuit à Venise de Johann Strauss à l’Opéra de Lyon – Vent de folie
Créée à Berlin sans grand succès le 3 octobre 1883 mais plébiscitée à Vienne peu après, l'opérette Une nuit à Venise, n’a jamais connu le même succès que La Chauve-souris (1874). L’Opéra de Lyon programme pour les fêtes de fin d’année ce vaudeville très « couleur locale » où la mélodie italienne se mêle aux valses et polkas dans un tourbillon musical qui rachète la pauvreté du livret - heureusement remanié par Erich Korngold et Ernst Marischka en 1923
L’intrigue assez faible narre les mésaventures d’un duc napolitain venu au Carnaval de Venise pour y faire des conquêtes et renouer avec Barbara, la femme d’un sénateur qu’il avait connue l’année précédente ; il finira berné ainsi que le mari cocufié par son neveu, mais tout rentrera dans l’ordre. Johann Strauss multiplie les quiproquos avec un bonheur qui ne se dément pas malgré des dialogues bavards en allemand – surtout dans la première partie – réécrits par Peter Langdal afin d’actualiser le propos.
© Stofleth
Maître d’œuvre d’une production montée en coproduction avec l’Opéra de Graz, en partenariat avec le Royal Opera House de Muscat, le jeune Daniele Rustioni, le nouveau chef permanent l’Orchestre de l’Opéra de Lyon, conduit sa formation et les excellents chœurs maison (préparés par Philip White) avec un tact et un engagement constants. Sa direction enflammée, colorée, stylée, pleine d’humour, suscite constamment l’intérêt par son rythme et son énergie. Les décors de Ashley Martin-Davis se réfèrent à l’univers de la fin des années 60, clin d’œil aux films de Fellini, mais aussi à la Commedia dell’arte avec danseurs et acrobates habilement chorégraphiés par Peter Friis. Les nombreux figurants prennent part à une mise en scène spectaculaire, réglée au cordeau par Peter Langdal, débordante de folie au détriment parfois de la subtilité.
En tête d’une distribution impeccable, le duc Guido de Lothar Odinius, timbre chaud, sens du phrasé et technique assurée, possède sur le plan théâtral toutes les ficelles d’un homme sur le retour qui continue à croire à son pouvoir donjuanesque. Les couples se mêlent avec beaucoup d’à-propos et de vie : Annina, belle-sœur de Barbara et marchande de poisson est incarnée avec piquant par Evelin Novak ; son amant Caramello, le barbier du duc, bénéficie du naturel de Matthias Klink. Jeffrey Treganza est parfait en cuisinier italien et Jasmina Sakr, sa fiancée, déploie des moyens vocaux superlatifs dans le rôle de la soubrette Ciboletta. Caroline MacPhie donne tout son sel à Barbara, habile à tromper son mari le vieux et jaloux sénateur Delacqua (l’excellent comédien Piotr Micinski) avec le neveu le celui-ci, Enrico, rôle tenu par l’enjôleur et sensuel Bonko Karadjov, basse à la voix profonde). Bref, de quoi emporter l’enthousiasme du public lyonnais.
Michel Le Naour
J. Strauss : Une nuit à Venise - Lyon, Opéra, 18 décembre 2016 ; prochaines représentations : 27, 29 décembre 2016 et 1er janvier 2017 / www.opera-lyon.com/spectacle/une-nuit-venise
Photo © Stofleth
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