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Le Westminster Cathedral Choir et le Maîtrise Notre-Dame de Paris – Superbe France-Angleterre choral
Par ces temps de Brexit et d'incitation au repli « identitaire », comme si l'identité devait pâtir de l'échange et non y puiser un possible ferment de son propre développement et enrichissement, il suffisait d'aller à Notre-Dame de Paris, le 28 février en soirée, pour goûter les bienfaits d'un dialogue musical par-delà les frontières, confrontation-fusion dont la chaleureuse éloquence répondit, par ses moyens propres que l'on rêverait désarmants, à la menace d'entraves de toutes sortes. Le Chœur d'enfants de la Maîtrise Notre-Dame de Paris (photo), qui rentrait de Londres, recevait le Westminster Cathedral Choir pour un « concert retour » en coproduction – dans une nef pleine où l'on notait la présence de très nombreux anglophones.
Le vaste et somptueux édifice néobyzantin de brique et de pierre, rehaussé de mosaïques à fond d'or, de la cathédrale du Très Précieux Sang de Westminster, commencé en 1895 et achevé en 1903 – année de la création du Chœur sur le modèle séculaire des maîtrises anglaises –, est le siège de l'archidiocèse catholique de Londres (1850). Cette rencontre des deux maîtrises réaffirme d'ailleurs des liens musicaux plus anciens : ayant improvisé sur le plus grand orgue du monde, celui du Grand Court du Wanamaker Store de Philadelphie, une Symphonie en quatre mouvements sur la Passion du Christ, Marcel Dupré (qui n'était pas encore titulaire de Saint-Sulpice mais suppléant de Widor et, ponctuellement, de Vierne à Notre-Dame) la restitua et l'écrivit à proprement parler durant l'été 1924 – il créa lui-même sa Symphonie-Passion le 9 novembre de la même année lors de l'inauguration de l'orgue (1922-1932, donc encore incomplet) Henry Willis III de Westminster Cathedral, avant d'en donner la première audition française le 30 avril 1925 au Trocadéro…
Bien qu'à la veille du carême et du temps pascal, le programme de ce concert était avant tout d'inspiration mariale. Il offrait une double alternance de pièces brèves et méditatives ou de belle ampleur, et naturellement de musique française et anglaise sous la direction des chefs respectifs des deux chœurs d'enfants : Émilie Fleury et Martin Baker, avec à l'orgue de chœur les deux titulaires des cathédrales catholiques de Paris et de Londres : Yves Castagnet et Peter Stevens.
Le Westminster Cathedral Choir © DR
Honneur à la puissance invitante : Cantique de Jean Racine du jeune Fauré ; motet Ô Notre Dame du soir d'Yves Castagnet, sa contribution au Livre de Notre-Dame créé en 2013 (1), d'une acuité immédiatement saisissante, et séduisante, aussi inventive d'écriture et puissamment singulière qu'à même de se glisser dans le répertoire des grandes maîtrises ; enfin une rareté dans un tel contexte : le bref mais intense Ave Maria inséré par Poulenc à la fin du Deuxième Tableau de l'Acte II de ses Dialogues des Carmélites.
La musique anglaise – les deux chœurs, dont l'agencement à la croisée se redéployait sans cesse, toujours mêlés, et dirigés par Martin Baker – fut ponctuée, tel un fil rouge, d'un Plainchant avec orgue faisant se succéder Introït, Alleluia et Communion. Aux Kyrie et Gloria de la jubilatoire Missa brevis en ré op. 63 de Britten, composée en 1959 pour le départ à la retraite de l'organiste et choirmaster réputé de Westminster Cathedral, où elle fut créée cette même année : « For George Malcolm and the boys of Westminster Cathedral Choir », fit suite Gott ist mein Hirt de Schubert D. 706 / op. 132 (1820) sur le Psaume 23 (« Dieu est mon berger »), unique page de ce concert chantée par les seuls petits chanteurs anglais (chœur de garçons exclusivement, quand la Maîtrise Notre-Dame de Paris est mixte), chef-d'œuvre d'intégration des parties vocales et de poétique intimité.
Émilie Fleury reprit la direction pour de ferventes Litanies à la Vierge Noire de Poulenc, créées à Londres le 17 novembre 1936, lors d'un concert de la BBC dirigé par Nadia Boulanger, à qui Poulenc écrivait : « C’est très spécial, humble et je crois assez saisissant » – absolument ce que l'on entendit à Notre-Dame, les jeunes Anglais ayant fait merveille dans la prononciation de la langue française, et inversement les jeunes Français dans l'avant-dernière pièce, anglaise, du programme. Martin Baker et Britten revinrent pour les Sanctus, Benedictus et Agnus de la Missa brevis, Émilie Fleury pour l'Ave verum de Poulenc (a cappella) et le lumineux Ave Maria (1937) de Jehan Alain.
Honneur aux hôtes pour refermer le concert, Martin Baker dirigeant le sixième et dernier des Bible Songs op. 113 (1909) de Charles Villiers Stanford (1852-1924) : A Song of Wisdom (« Un Chant de Sagesse »), sur un texte from the book of Ecclesiasticus, page d'apparat à l'image d'une vive et généreuse musique de cathédrale, particulièrement exigeante pour les différents pupitres vocaux (notamment les attaques assurées dans l'aigu) – puis pour finir, a cappella, le bref et si touchant Ave Maria (op. 9b, 1900) de Gustav Holst (1874-1934) : remarquable prestation d'ensemble pour d'aussi jeunes musiciens, d'une maturité, d'une discipline et d'un sens joyeux du collectif qui forcent tout naturellement l'admiration.
Un pur bonheur, donc, que cette soirée sobre et chaleureuse, empreinte d'une atmosphère de bienveillance et d'écoute mutuelles, à même de tisser ou de resserrer toutes sortes de liens, par mais aussi au-delà de la musique.
Michel Roubinet
Paris, Cathédrale Notre-Dame, 28 février 2017
(1) Le Livre de Notre-Dame
www.concertclassic.com/article/du-livre-de-notre-dame-aux-vepres-de-philippe-hersant-la-cathedrale-de-paris-haut-lieu-de
Sites Internet :
Maîtrise Notre-Dame de Paris – Chœur d'enfants
www.musique-sacree-notredamedeparis.fr/le-choeur-denfants
Westminster Cathedral Choir
www.westminstercathedralchoir.com/index.php
Photo (Maîtrise Notre-Dame de Paris, Choeurs d'anfants) © DR
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