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Andrea Chénier en version de concert au Théâtre des Champs-Elysées – Couple mythique – Compte-rendu
Une œuvre vériste comme Andrea Chenier, taillée à la serpe et efficace, a besoin plus que d'autres d’artistes exceptionnels pour satisfaire le public par ailleurs rassasié de références tenaces. Deux ans après Ariadne auf Naxos dirigée par Kirill Petrenko, les forces de l'Opéra de Bavière étaient à nouveau sur la scène du TCE pour jouer cette fois le titre phare de Giordano en version de concert (juste après l’avoir donné à Munich dans une production confiée à Philipp Stölz). Dire que le jeune chef israélien Omer Meir Wellber (né en 1981) y a fait des étincelles est un euphémisme : sous sa conduite ardente, à la nervosité maîtrisée, la partition a rarement retentie avec autant de style et d'intensité dramatique, les passages les plus galvaudés parvenant même à passer pour de la très bonne musique.
© Vincent Pontet
Scintillant comme un diamant, le Bayerisches Staatsorchester s’ébroue fiévreusement dès les premières scènes, avant de rugir comme un lion en cage, non sans nous avoir emportés dans cette romanesque et frénétique histoire d’amour et de mort. Jonas Kaufmann incarne avec panache le rôle du poète français dont il a livré un précédent portrait à Londres en 2015, dans la mise en scène très classique de David McVicar. Radieux dans son air d’entrée « Un di all'azzurro spazio » chanté avec l'éclat que nous lui connaissons et qui a fait sa gloire, le chanteur a par la suite paru contrarié après s’être légèrement enroué sur une phrase chantée pianissimo pendant le duo du second acte avec Maddalena. Plus attentif qu'il aurait aimé l'être et donc moins libre pour exprimer toute la passion qui anime ce tribun, le ténor a semblé sur ses gardes pendant la scène du jugement tout en maintenant pourtant un niveau d'exigence musicale et dramatique admirable, retrouvant toute la beauté de son instrument pour le « Come un bel di » d'une incroyable majesté, irrésistiblement porté par la présence de sa collègue pendant la scène finale, marquée par un souffle ascensionnel extraordinaire.
© Vincent Pontet
Époustouflante dans le rôle de Maddalena, si facilement frelaté et où tant de sopranos se sont dégradées, Anja Harteros a mis le public à ses pieds. Conservant la pureté de son chant, la stabilité de son registre et la souplesse de son émission malgré les assauts d'une écriture parfois chaotique, la soprano transforme son personnage en héroïne frémissante, solaire, amoureuse éperdue pour atteindre une incarnation en tous points idéale ; sa « Mamma morta » a la dignité blessée restera longtemps dans nos mémoires, modèle absolu de chant et d'interprétation de haute école, tout comme son indescriptible exaltation à l'approche de la mort, où triomphe son incandescent aigu. Un couple décidément mythique !
Luca Salsi est un Carlo Gérard au phrasé mordant et au volume appréciable, assez idéal pour ce type d’emploi, Andrea Borghini (Roucher), Kevin Conners (L'incroyable) et Tim Kuypers (Matthieu) composant avec intelligence des personnages particulièrement typés. De leurs côtés Doris Soffel (Comtessa di Coigny), Elena Zilio désormais abonnée au rôle de Maddelon (comme à Londres/dvd Warner) et J'Nai Bridges (Bersi) ne sont pas en reste et s'imposent toutes les trois dans de courtes mais ô combien indispensables apparitions.
François Lesueur
Giordano : Andrea Chénier (version de concert) – Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 26 mars 2017
Photo © Vincent Pontet
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