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Don Quichotte revu par Kader Belarbi au Capitole de Toulouse – Le bel exemple – Compte rendu
Car quel élément peut donner un peu d’intensité dramatique et psychologique à cette fête chorégraphique, sinon la triste figure du Chevalier errant, le plus souvent confinée à un chromo insipide ? Belarbi, qui fut de l’aventure à l’Opéra de Paris, en a tiré les leçons. Mais il connaît aussi ses moyens à Toulouse, et sait admirablement, avec une ingéniosité qui n’enlève rien à son inspiration réelle, marier l’utile et l’agréable, et faute de puits de pétrole, faire abonder les idées. Voici donc un Don Quichotte dégraissé, délesté de ses personnages inutiles, le tontonnant Esteban, le ridiculissime Gamache, le convenu et mièvre Cupidon, et resserré autour de son héros, un Don Quichotte enfin dansant, et si touchant avec le voile blanc de sa Dulcinée qui ne le lâche pas.
Quant au jeune couple Kitri-Basilio, celui-ci de barbier mué en torero, ils virevoltent superbement, mais avec peut-être moins de fatuité qu’à l’ordinaire et retrouvent leur beau duo final, auquel Belarbi n’a pas touché, car il est sacré ! Pour le reste, fidèlement et bien dans le style traditionnel mais avec une perception psychologique accrue, il a à peu près tout recomposé, et on retient particulièrement un superbe trio, en fait une sorte du duel que Don Quichotte et Basilio esquissent avec élégance autour de Kitri. On apprécie aussi beaucoup le belle scène des naïades, remplaçant le traditionnel tableau des dryades, pour lequel Belarbi a subtilement utilisé les costumes préexistant, dans des tonalités aquatiques qui conviennent idéalement à cette atmosphère de marais, tandis que le tableau de rue, lui aussi dans ces tons bleus, surprend sans choquer, car il change agréablement des espagnolades rouge et noir.
Ces costumes sont en fait du costumier Joop Stokvis, adaptés au décor d’Emilio Carcano, qui étaient ceux de la précédente production, restée dans les cartons du Capitole, à laquelle Belarbi s’est donc attaquée, car tel est l’enjeu : imposer et renouveler le répertoire avec les moyens du bord, ce qui excite l’inventivité. On croit revoir la robe de Cendrillon retaillée et embellie par les souris de Walt Disney pour en arriver à ce petit miracle d’ingéniosité.
La compagnie, elle, mène cette joyeuse ronde tambour battant, avec pour la troisième distribution, une des petites merveilles locales, Julie Charlet, très différente des Kitri sexy et provocantes auxquelles on a été habitués. Elle est fine, gracieuse, délicate sans apprêt et développe des pointes exquises. Son partenaire, Ramiro Gomez Samon, qui doit mûrir un peu, est techniquement époustouflant : il faut dire qu’il vient de Cuba, où l’on sait ce que c’est que battre l’entrechat et bondir, avec un axe admirable pour les pirouettes. Très beau Don Quichotte de Jackson Carroll, émouvant et fragile, et formidable composition de l’accrocheuse Solène Monnereau en Mercédès, la gitane. Le public les a fêtés comme ils le méritaient.
Il faut aussi redire, avec un peu de mélancolie, que ce Don Quichotte aura marqué les adieux d’une ballerine de rêve, Maria Gutierrez, perle de la compagnie, et incarnation de la danse. Elle n’a pas voulu courir le moindre risque de voir ses moyens s’amenuiser et son étoile pâlir, alors qu’à quarante ans, elle était toujours aussi fascinante. Sage, trop sage, mais judicieusement sage ! Et acclamer la performance du chef Koen Kessels, lequel a aidé Belarbi à alléger la partition de Minkus, grâce notamment à de délicats extraits de La Source et a su imposer cette musique pas toujours évidente à un Orchestre du Capitole très vif, pour une fête endiablée sans vulgarité !
Jacqueline Thuilleux
A venir au TCE, les 20, 21 et 22 juin 2017, Le Corsaire, de Kader Belarbi, par le Ballet du Capitole / www.theatrechampselysees.fr/saison/danse/ballet-du-capitole-de-toulouse-kader-belarbi?parentTypeSlug=danse
Photo © David Herrero
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