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Le Quatuor Ebène au Festival de Verbier – Exaltantes métamorphoses – Compte- rendu
Il est presque né ici, ce Quatuor Ebène dont les quatre membres s’étaient réunis en 1999. C’est à Verbier qu’en 2007 ils rencontrèrent un maître, Gabor Takacs-Nagy, qui leur donna l’étincelle. Plongés dans le bain de l’Académie des cimes, ils trouvèrent l’élan qui les propulsa ensuite dans l’arène des plus grands. Sans perdre de leur fraîcheur inquisitrice qui les conduit vers de multiples répertoires atypiques. Cette fois, après avoir quelques jours auparavant, donné un programme consacré à Mozart, Beethoven et Ravel, ils se sont immergés dans le plus classique des romantiques, ce Mendelssohn dont peu à peu la musique de chambre sort de l’affection indulgente qu’on lui accordait, en la maintenant un cran de dessous de ses grands devanciers ou contemporains, de Haydn et Mozart à Schubert.
L’originalité du concert étant en outre de marier le style bien affirmé des Ebène à d’autres pattes, à d’autres sensibilités. Pour le meilleur, et avec une progression du drame vers la lumière.
D’entrée de jeu, en effet, l’ultime pièce de Mendelssohn, détruit par la mort de sa sœur et bientôt emporté lui-même. Deux mois avant sa mort, donc, le Quatuor en fa mineur, op.80 est une prenante et sombre méditation, avec un adagio bouleversant où le violoncelle de Rafael Merlin soutenait la pensée musicale ou s’en élevait avec une sonorité poignante. Le Mendelssohn grave, digne des plus douloureuses rêveries de Schubert.
Puis vint le Quintette n°2 op.87 : et là, changement d’ambiance totale, lorsque Joshua Bell a levé son archet et lancé la ronde, tel un danseur étoile s’emparant de l’espace. A ses côtés, d’autres artistes que le quatuor Ebène, Pamela Franck au violon, Blythe Teh Engstroem et Tomoko Akasaka, dont le splendide alto remplaçait déjà dans l’œuvre précédente Adrien Boisseau affecté d’une tendinite, enfin le violoncelliste Pablo Ferrandez. L’œuvre, très équilibrée, avec un délicieux mouvement aux airs de menuet qui lui donne presque une grâce viennoise alors que Mendelssohn l’écrivit à Francfort, à l’époque où il régnait sur la vie musicale allemande, a trouvé dans ces interprètes réunis pour un temps, alors que tous sont des vedettes isolées, une vigueur nouvelle. Mais surtout, merveille que de voir Bell, engagé de toutes ses forces, déployant comme un arc-en-ciel le son doré de son magnifique Stradivarius, lequel ne serait rien sans la musicalité raffinée, mais aussi survoltée de ce magnifique artiste, qui a acquis tant de profondeur depuis qu’il y a trente cinq ans, sa virtuosité le lançait dans l’arène comme un phénomène, avec les réserves du genre. Ce temps est loin, et le brillant et aimable « old fashioned boy » est aujourd’hui un maître. Mais un maître joyeux, qui dès l’archet posé, sait se faire charmant, convivial et simple sans se vouloir charmeur.
© Nicolas Brodard
Que dire du lumineux Octuor op.20, fabuleuse pièce de jeunesse que Mendelssohn écrivit à 16 ans et qui scintille, qui bruit de tous ces battements d’ailes de tous ces frémissements aériens qui font la grâce unique du compositeur du Songe d’une nuit d’été. Là, tous s’étaient retrouvés, dans une complicité virevoltante, notamment pour le Scherzo - Allegro leggierissimo, qu’il leur fallut bisser, tant le public était réjoui de cette irruption d’un petit peuple elfique dans la sereine église de Verbier.
Pour un quatuor habitué à se fondre et à ne parler que d’une seule voix, le mélange, on devrait dire la mixité avec ces tempéraments de solistes a dû représenter une sorte de tour de manège comme ils aiment en faire puisqu’ils ont coutume de s’adjoindre d’autres solistes, notamment Gautier Capuçon. Et à l’horizon des Ebène, le grand large, car une intégrale Beethoven est prévue pour 2020, anniversaire des 250 ans de la naissance du compositeur. L’enjeu n’est pas mince.
Jacqueline Thuilleux
Festival de Verbier, le 30 juillet 2017 / jusqu’au 6 août 2017 / www.verbierfestival.com
Photo © Nicolas Brodard
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