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16ème Festival de Pâques de Deauville - De Ciboure à Prague - Compte-rendu

C’est parti ! Le 16ème Festival de Pâques de Deauville a démarré le week-end passé et ce de façon inhabituelle puisque le lyrique et la mélodie occupaient la soirée inaugurale d’une manifestation où la musique de chambre est reine. Ceux qui ont eu l’occasion de découvrir L’Heure espagnole de Ravel (dans une version pour petit effectif instrumental réalisée par Jean-Frédéric Neuburger) mise en scène par François Le Roux lors de sa création à l’Académie Ravel de Saint-Jean-de-Luz en septembre dernier (lire notre compte-rendu), ou à l’occasion d’une des diverses reprises dont elle a fait l’objet (aux « Journée Ravel » de Montfort-l’Amaury entre autres), sont heureux de retrouver un spectacle sans prétention mais toujours aussi efficace (en l’absence de François Le Roux, c’est le baryton Arnaud Guillon qui a réglé la reprise deauvilloise).
Il ne s’agit pas de musique de chambre certes, mais l’équipe de chanteurs (Mariam Gegechkori, Concepcion ; Ronan Meyblum, Torquemada ; Michaël Guedj, Ramiro ; David Ghilardi, Gonzalve ; Geoffroy Buffière, Don Iñigo) – celle de la création luzéenne – manifeste tant de complicité et de plaisir à faire pétiller la musique de Ravel et le livret de Franc-Nohain, que le Festival de Deauville, avec cette ouverture lyrique, demeure très proche de ce qui fait son esprit.

Suit un florilège de mélodies de Ravel, accompagnées par Jeff Cohen ou par Philippe Biros, où l’on entend tour à tour les différents protagonistes de L’Heure espagnole, mais aussi le baryton Arnaud Guillou (Prix de chant de l’Académie Ravel 2011), qui termine en beauté la soirée avec Don Quichotte à Dulcinée, l’ultime recueil de mélodies du maître de Ciboure.

Après cette ouverture lyrique au Théâtre du Casino Barrière, le Festival retrouve le lendemain le Salle Elie de Brignac, de nouveau accessible après deux ans de travaux. En plus moderne et high tech qu’auparavant le lieu demeure d’abord conçu pour les ventes de chevaux, mais s’adapte toujours bien à la musique et à l’esprit détendu de la manifestation.
Retour à l’instrumental avec Dvorak et Martinu ! Un compositeur célèbre, un autre bien plus méconnu, mais des oeuvres toutes rares qui forment un passionnant programme tchèque : on est bien au Festival de Pâques de Deauville.

Les Bagatelles pour deux violons, violoncelle et accordéon op 47 de Dvorak (par Alexandra Soumm, Amaury Coeytaux, Victor Julien-Laferrière et Frédéric Guérouet) offrent la plus savoureuse des introductions ; les archets faisant idéalement corps avec la respiration et les couleurs de l’accordéon. Une musique délicatement parfumée qui met dans les meilleures dispositions pour goûter au Quintette pour cordes et piano n°2 H. 298 de Bohuslav Martinu, partition achevée par le compositeur tchèque aux Etats-Unis en 1944. Près d’une demi-heure de musique d’une incroyable profusion, que les jeunes musiciens explorent avec un bonheur contagieux. La difficile partie de piano est magistralement tenue par Guillaume Vincent. Présent sans jamais être envahissant, il offre à ses quatre partenaires (A. Coeytaux, A. Soumm, Adrien Boisseau et Bruno Philippe ; le violoncelliste est l’une des nouvelles et excellentes recrues du Festival !) la « colonne vertébrale » autour de laquelle se construit une interprétation à la fois fourmillante de détails et d’un feu poétique irrésistible.

De l’élan, Guillaume Vincent, l’Ensemble à vent Initium, A. Coeytaux, A. Boisseau et V. Julien-Laferrière n’en manquent pas non plus dans le Nonette pour vents, cordes et piano de Martinu, un ouvrage de 1924-1925 en un mouvement que les interprètes « enlèvent » de façon aussi énergique que colorée.
Il y a cinq ans, le Festival de Deauville avait permis d’entendre l’Ensemble à vent Initium dans une déjà très belle Sérénade pour vents, violoncelle et contrebasse op 44 de Dvorak. Depuis, Initium s’est imposé parmi les meilleures formations à vent hexagonales. Le disque s’en est d’ailleurs fait l’écho avec, l’an dernier, une magnifique intégrale de la musique de chambres avec vents de George Onslow (1). Non moins réussie, une galette consacrée aux œuvres pour ensembles de Charles Koechlin(2) arrive dans les bacs des disquaires d’ici peu. La Sérénade en ré mineur (donnée avec les archets de B. Philippe et Y. Dubost) montre l’évolution des Initium en l’espace d’une demi-décennie.
Plus structurée, l’interprétation a gagné en cohésion, en fermeté et en clarté de l’architecture et les souffleurs se montrent toujours aussi convaincus et convaincants dans cette partition chérie de Gustav Mahler. Le moment ne serait-il pas venu de confier au disque une conception aussi pêchue et radieuse de l’Opus 44 ?

Alain Cochard

Deauville, Théâtre du Casino Barrière, Salle Elie de Brignac, 14 et 15 avril 2012
Festival de Pâques de Deauville, jusqu’au 29 avril, rens. : www.musiqueadeauville.com

(1) avec l’Ensemble Contraste (2CD Timpani 2C2185)
(2) avec l’Ensemble Contraste (1CD Timpani 1C1193

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Photo : Claude Doaré
 

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