Journal

27ème Festival Baroque de Pontoise - Quand Pourceaugnac crève la toile - Compte-rendu

«Il s'agit d'une nouvelle comédie par la Troupe du Roi, entremêlée d'entrées de ballets et de musique (...) L'ouverture s'en fit par un délicieux concert suivi d'une sérénade de voix, d'instruments et de danses (...)qui plurent grandement aux spectateurs (…) de manière que (ce divertissement) n'était pas moins digne de cette belle Cour que ceux qui l'ont précédé..» ( La Gazette – 7 octobre 1669). Trois siècles et demi après sa naissance à Versailles, la comédie-ballet louis-quatorzième reste une aventure stimulante. Tel ce Monsieur de Pourceaugnac du tandem Lully-Molière que le 27ème Festival de Pontoise vient de mener quasiment au triomphe.

Certes, nous ne connaissons pas les circonstances exactes de la rencontre, puis de la collaboration des deux «Baptiste» (comme les appelait la Marquise de Sévigné) pour les plaisirs du Roi. Une collaboration qui n'ira pas sans heurts et débouchera même sur une rupture, mais qui, telle qu'elle fut, demeure l'une des plus riches et porteuses d'avenir de notre histoire musicale.

Plus en détail, trois partenaires étaient impliqués dans la représentation donnée au Centre culturel Jouy-le-Moutier : la Compagnie les Malins Plaisirs pour le chant et le dire, les Musiciens de Saint-Julien pour la «Simphonie» et la Compagnie l'Eventail de Marie-Geneviève Massé pour le rêve et la farce émanés de la danse, tandis qu'à Vincent Tavernier, familier du théâtre baroque, était confiée la mise en scène. Une approche guidée par un souci permanent de la langue dans son dynamisme et sa saveur, comme par l'harmonie du jeu physique entre comédiens, chanteurs et danseurs, hors de toute gestuelle dite «d'époque» et de travail sur le français à l'ancienne.

A partir de là, le maître d'œuvre imagine un décor à transformations qui, né de l'esprit du ballet de cour, cède bientôt la place à une machinerie diabolique, avec des perspectives de maisons piégées où vont et viennent de surprenantes apparitions dans un Paris totalement décalé et onirique. Aussi bien, dans cet inquiétant décor signé par l'inventive Claire Niquet, le délire provoqué chez Pourceaugnac par une meute de personnages malfaisants a tôt fait de tourner au cauchemar et à l'éloge de la folie.

Précisément avec le Pourceaugnac incarné par Pierre-Guy Cluzeau, le mal prend une dimension tragique. Ganache tour à tour ahurie, égarée, colérique - et murée dans son égoïsme -, il est de loin la tête d'affiche d'une alléchante distribution dont le seul défaut est de céder trop facilement aux automatismes de la commedia dell'arte (ainsi de Mélanie Le Moine, distribuée, il est vrai, dans trois rôles contraignants : la servante Nérine, le 1er docteur et l'Exempt, et qui en fait beaucoup pour en faire juste assez).

Pour autant, l'impression générée par le spectacle ne cesse d'être favorable par la grâce, répétons-le, de Vincent Tavernier, attentif à ne pas verser dans la caricature tous azimuts, et, tout autant, de l'imagerie suscitée par Marie-Geneviève Massé, habile à mêler le geste subtil aux images décapantes de la burla et indéniable chef de file d'une chorégraphie née dans le droit fil du songe baroque. Une vertu que les Musiciens de Saint-Julien transposent sans effort à l'instrumentarium, en lien étroit avec les traditions orales des ménétriers, sous la souple direction de François Lazarevitch, de surcroît flûtiste ailé.

Roger Tellart

Molière-Lully : Monsieur de Pourceaugnac - Festival Baroque de Pontoise, Jouy-le-Moutier, Centre culturel, 19 octobre 2012.
(On notera que la présente production a été créée en 2011 aux Nuits baroques du Touquet).

> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?

> Lire les autres articles de Roger Tellart

Photo : Benoit Bremer
 

Partager par emailImprimer

Derniers articles