Avec Marseille-2013 capitale européenne de culture, le Festival de Pâques d’Aix a certes été lancé dans un contexte particulièrement porteur. L’entreprise n’en constituait pas moins « un vrai challenge », comme le reconnaît Renaud Capuçon (photo), son directeur artistique, car il s’agissait tout de même d’implanter un nouveau festival dans une ville qui compte déjà et depuis fort longtemps l’un des plus célèbres de France et d’Europe. « En même temps, nuance R. Capuçon, nous ne sommes pas du tout dans la concurrence, nous faisons des choses très différentes, à une période différente. Les 82% de taux de remplissage des concerts du 1^er Festival ont été un bel encouragement et nous poursuivons sur cet élan. » De quoi conforter un équipe dirigeante qui associe à R. Capuçon, Dominique Bluzet, directeur du Grand Théâtre de Provence, et Michel Lucas, Président du CIC-Crédit Mutuel, l’unique sponsor du Festival de Pâques « sans lequel la manifestation n’existerait pas », rappelle le directeur artistique. « C’est assez unique en France et en Europe que de trouver un festival fonctionnant avec un seul sponsor. Tous trois, nous travaillons en confiance, main dans la main, en concertation permanente.»

On ne change pas une formule gagnante et le 2^ème Festival reste fidèle à ses principes fondateurs, sans thématique trop contraignante, soucieux de préserver «la fraîcheur et la spontanéité » à laquelle R. Capuçon est attaché. Tout comme il accorde un grand prix cette année au « fil rouge » Richard Strauss qui parcourt la programmation. « Je suis un tel amoureux de Strauss qu’il m’était impossible de ne pas rappeler que 2014 marque le 150^ème anniversaire de sa naissance. » Le hasard a aussi joué son rôle dans la construction d’une programmation où l’on pourrait imaginer que l’axe « chefs de la nouvelle génération » (Daniel Harding, Yannick Nézet-Séguin, Ludovic Morlot, Gustavo Dudamel) résulte d’un choix délibéré. « Je ne l’ai pas imaginé ainsi, avoue R. Capuçon. Ces quatre chefs sont des amis et lorsque, fin 2011, j’ai commencé à penser au festival je les ai appelés ; il s’est trouvé qu’ils étaient tous les quatre disponibles en 2014. Grâce à eux, il sera passionnant d’entendre au cours d’une même édition les Orchestres de la Radio Suédoise, de Rotterdam, de La Monnaie et de Göteborg ».

Mais l’Orchestre de chambre d’Europe (avec E. Krivine et M. Argerich), le Philharmonique de Radio France et M. W. Chung et l’Orchestre Symphonique de Vienne sont également de la fête, ce dernier pour la Passion selon Saint-Jean où l’association des instruments modernes et d’un chef baroque habitué de ce genre d’expérience, Giovanni Antonini, promet un grand moment. D’autant que l’on relève le nom de la merveilleuse Bernarda Fink dans la distribution…

R. Capuçon a le sentiment de « construire chaque année un puzzle, a chaque fois extrêmement différent, mais avec certaines constantes, comme la présence d’une création (de Bruno Mantovani cette fois). » Il faut évidemment insister sur la place que le Festival réserve aussi à de jeunes talents. C’est le cas par exemple avec la soprano allemande Christiane Karg, encore peu connue en France, que l’on découvre dans un très beau programme Schoeck, Wolff, Schoenberg, Strauss et Debussy. « Je suis heureux de pouvoir faire partager au public des découvertes, des amitiés musicales, des admirations.» Le Festival 2014 donne en outre à l'artiste l’occasion de réaliser un vieux rêve : participer (à l’alto) à l’exécution du sublime Chant sur l’esprit sur les eaux de Schubert. Ce sera bientôt fait, au côté de l’Ensemble Pygmalion de Raphaël Pichon, et avec la complicité de Gérard Caussé, Edgar Moreau, Victor Julien-Laferrière, Alois Posch et David Kadouch, au cours d’une des trois « Schubertiades » du 2^ème Festival.

Des tarifs compris entre 14 et 66 € (10 et 18 € pour les moins de 13 ans) : le désir de « faire un festival d’excellence mais pas d’élite » qui, rappelle R. Capuçon, était présent dès qu’a jailli l’idée du Festival de Pâques », s’exprime de la manière la plus concrète. Dans le même esprit, des liens ont été tissés avec le Conservatoire d’Aix dont les élèves bénéficient cette année de masterclasses avec Renaud Capuçon, Gérard Caussé, Ophélie Gaillard et Bertrand Chamayou. « Il est extrêmement important que le Conservatoire se sente associé au Festival. J’ai vu trop d’endroits où l’on a un gros festival et aucune connection avec les institutions locales, déplore le directeur artistique. Il faut tendre la main aux jeunes ! »

La cité provençale avait son festival d’été, elle a désormais celui de printemps. Loin de chercher la concurrence, le Festival de Pâques 2014 offre même l’exemple d’une collaboration avec le patron du Festival d’Aix : remarquable organiste, on le sait, Bernard Foccroulle participe, le 22 avril, au projet « Darkness and Light » avec la vidéaste Lynette Wallworth, à l’église Saint-Jean-de-Malte.
 
Alain Cochard
(Entretien avec Renaud Capuçon réalisé le 20 mars 2014)
 
2^ème Festival de Pâques d’Aix-en-Provence
Du 14 au 27 avril 2014
Aix-en-Provence
Programmation et lieux : www.concertclassic.com/festival/festival-de-paques-daix-en-provence
 
Photo @ Paolo Roversi