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3 Questions à Damien Pass – Le Lied, passionnément
Damien Pass ? Vous l’avez encore dans l’œil en Don Inigo Gomez dans L’Heure espagnole, en Hermann dans Les Contes d’Hoffmann, beau gosse, voix mordante et profonde. Oui, mais les objets de sa passion décisive pour le chant furent le lied et la mélodie - qui lui ont d’ailleurs valu un Prix au Concours Nadia et Lili Boulanger en 2011. Trop brève rencontre avec cet Australien de Paris alors qu’il s’apprête a interpréter les Myrthen de Schumann avec la soprano Léa Trommenschlager et le pianiste Alphonse Cemin lors de la soirée inaugurale des Lundis musicaux de l’Athénée le 13 octobre.
Voici presque cinq ans que vous vous êtes établi à Paris. Que vous a apporté l’Europe ?
Damien PASS : J’ai fait mes études aux Etats-Unis. Au début le théâtre était tout pour moi, mais rapidement le chant s’est imposé : il me permettait d’aller beaucoup plus loin dans le texte. A New York j’ai intégré le Glimmerglass Opera puis je me suis perfectionné avec Marilyn Horne à la Music Academy of the West à Santa Barbara. A la fin de mes études je suis venu un peu par hasard à Paris. L’Atelier lyrique m’a accueilli et j’ai eu le bonheur de rencontrer Alphonse Cemin avec lequel j’ai pu développer mon amour de la mélodie et du Lied. J’ai su immédiatement que je voulais alterner ma présence dans les productions lyriques de l’Opéra de Paris avec des récitals de mélodies. Mais très tôt, en fait dès que j’ai découvert la langue allemande, je me suis passionné pour les grandes ballades, celles de Loewe ou l’Erlkönig de Schubert. Je me souviens encore de la découverte de ce dernier avec ses trois personnages, le père, l’enfant et la mort, trois entités différentes en une œuvre si brève, avec trois caractérisations vocales, quel défi et quelle chance ! Cela m’a inspiré.
Le retour au simple théâtre est délicat après cela. A Paris, au sein de l’Atelier lyrique j’ai trouvé la possibilité de développer ma double passion pour le théâtre lyrique et pour le lied. Un autre point : la mélodie. C’est un style extrêmement particulier, en fait on ne chante pas une mélodie de Fauré comme une mélodie de Duparc, leur style est proche mais pourtant différent, dans la diction, dans les couleurs. Au sein de l’Atelier Lyrique, et plus encore pour ce répertoire spécifique, l’apport de nos professeurs est essentiel, jusque dans l’équilibre entre le piano et le chanteur. J’espère que j’ai amené un peu de théâtre dans les concerts de mélodie, pas trop non plus, on n’est pas à Broadway, mais j’ai voulu mettre de la vie dans cet exercice parfois un peu compassé. Vous savez, le genre on ne bouge pas, on reste près du piano, on est réservé sur les sentiments et les expressions parce que votre public est censé savoir ce qu’il vient entendre. Moi je voudrais l’emmener, l’émouvoir, lui donner envie d’en savoir plus.
Mais vraiment le Lied est votre passion, d’ailleurs vous allez donner au Théâtre de l’Athénée les Myrthen de Schumann avec Léa Trommenschlager et Alphonse Cemin …
D.P. : Imaginez un peu, je peux changer de personnage à chaque mélodie. Le récital de lieder est un exercice très intime et du coup on peut révéler beaucoup plus de facettes de soi-même. Je suis baryton-basse et donc souvent contraint par les personnages que les compositeurs ont de tout temps attaché à ma tessiture ; cela me va bien, j’aime chanter Figaro, Masetto. Mais dans l’univers de la mélodie, le vrai personnage vocal auquel on vous contraint peut être changé. D’abord parce que les mélodies se transcrivent dans une certaine mesure aisément, et parce qu’elles vous offrent une plus grande liberté. Au bout de trois minutes vous faites autre chose, vous dites autre chose, vous êtes quelqu’un d’autre. Je choisi toujours le texte d’une mélodie avant sa musique. Que dit-elle, que me dit-elle ? Puis je choisi ma tonalité, les couleurs changent, c’est d’une telle liberté. Dans un récital de deux heures on peut avoir trente personnages. J’adore ça. Et puis construire un récital comme un voyage, on commence dans un endroit, on finit ailleurs… on ouvre avec Schubert, on clôt avec William Bolcom, mais on a souligné un lien. Si on conçoit par exemple un récital sur le voyageur, le vagabond, ne serait-ce que Winterreise et les Songs of Travel de Vaughan-Williams, quel itinéraire !
Bon, mais enfin vous n’allez pas quitter les planches de l’Opéra, c’est une grande part de votre art. D’ailleurs quels nouveaux rôles aimeriez-vous aborder ?
D. P. : La question des années se pose au théâtre bien plus qu’au récital. A mon âge il est naturel de chanter beaucoup Mozart ou Haendel, pour la simple santé de la voix, j’en suis très heureux au demeurant. Après l’Atelier je demeure présent à l’Opéra de Paris qui me confie des petits rôles. J’apprends beaucoup au contact de grands artistes, que ce soient des chanteurs, des metteurs en scène, des chefs. Cette saison je serai Wagner dans Faust, le Chasseur dans la Rusalka de Dvorak selon Carsen, un très beau spectacle, et pour l’Opéra de Toulon j’incarnerai Pietro dans Simon Boccanegra, en ce moment je chante Borée dans les Boréades de Rameau à l’Opéra Royal de Versailles sous la direction de Marc Minkowski, quelle œuvre géniale, c’est de la musique tellement moderne ! Si demain je devais ajouter un rôle à mon répertoire ce serait Nick Shadow dans le Rake’s Progress de Stravinsky, c’est mon Diable préféré, j’ai déjà étudié tout le rôle, je suis prêt, j’attends l’appel des directeurs de théâtre !
Propos recueillis par Jean-Charles Hoffelé, le 4 octobre 2014
Damien Pass ( baryton-basse), Léa Trommenschlager (soprano), Alphonse Cemin (piano)
Œuvres de Schumann
Lundi 13 octobre – 20h
Paris – Théâtre de l’Athénée
www.concertclassic.com/concert/des-fleurs-pour-la-mariee
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