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5e Musikfest parisienne à la Salle Cortot – Vertiges virtuoses – Compte-rendu
Depuis 2020, la violoniste bulgare Liya Petrova rassemble sa bande d’amis artistes, et leur lâche la bride pour une joyeuse confrontation d’émotions, de styles, et de pirouettes musicales. D’où une ambiance survoltée et enthousiaste pour saluer la dernière rencontre de cette 5e édition, placée sous le signe de la virevolte, puisqu’elle était intitulée Virtuoso. Au point qu’une queue inusitée pour la plutôt sage Salle Cortot, s’étirait indéfiniment devant ses portes. Ambiance joyeuse donc, et magnifique enchaînement de coups d’éclat d’interprètes au faîte de leur talent.
Si Liya Petrova (photo), sur le splendide Guarneri del Gesù que Pietro Rovelli (1793-1838), rival de Paganini, finit par emporter de haute lutte, avait ouvert le premier des trois concerts proposés sur une pièce dudit Rovelli, elle a également clos le dernier, en compagnie d’Alexandre Kantorow (photo), sur l’Andante cantabile de la Sonate de Richard Strauss, tout en délicatesse rêveuse. Pour le reste, ce fut une succession subtilement dosée de ce que le piano peut offrir de possibilités, d’abord dans le registre de la nervosité caressante et toujours inquiète de Schumann, avec la Romance op.28 n°2 et la Novelette op.21 n°8. Moment de pure poésie, dont Adam Laloum, avec son jeu profond, faisait ressortir la finesse mélancolique et aussi le côté ludique.
Samson Tsoy & Pavel Kolesnikov © Lewis Joly
Puis, pièce maîtresse du concert, le tandem Pavel Koleskinov et Samson Tsoy faisait son entrée sur le ring, pour le Sacre du printemps, catégorie poids lourd. L’enjeu est énorme, dans cette redoutable version à quatre mains due à Stravinski lui-même, et demande des qualités inimaginables pour en décrypter les rythmes, les syncopes, les climats changeants, les brusques ressauts, les attentes angoissantes. Le tout sans accrocs digitaux, comme un numéro de trapézistes parfaitement accordés dans les figures les plus diaboliques.
Les deux pianistes, certes, ont une bonne expérience de cette pratique, mais le Sacre est incontestablement un des pics les plus difficiles à atteindre. Et si les réductions pour piano ne sont pas toujours flatteuses pour les œuvres, notamment lorsqu’elles doivent restituer une écriture orchestrale aussi complexe, il n’en est rien pour cette pièce. Cette fois, sans doute parce qu’elle est l’œuvre du compositeur, la transcription pour quatre mains offre un regard singulier et différent sur son déroulement, lui donnant même plus encore de force de frappe que dans les mugissements de la masse orchestrale, si bien découpée soit elle. Bref, un océan en furie que ce moment de virtuosité phénoménale et une complicité entre les deux interprètes qui a tenu le public en haleine.
Lise Berthaud et Adam Laloum © Lewis Joly
On a respiré lorsque l’alto de Lise Berthaud, ouvrant la Sonate «Arpeggione » de Schubert, a instauré un autre rythme musical, une autre pensée, réflexion au lieu d’action, descente en soi au lieu d’attaque : en parfaite harmonie avec Adam Laloum, à la sonorité charnue mais sans pesanteur, elle a ouvert les portes d’un autre univers. Bien que l’altiste se soit surtout cantonnée dans une carrière de chambriste, elle rayonne sur notre sphère musicale, par la pureté de sa sonorité, la clarté de son sens mélodique et son élégante virtuosité.
Alexandre Kantorow © Lewis Joly
Il y avait eu les musiciens nostalgiques, les poids lourds du clavier, est arrivé ensuite la star du moment, Alexandre Kantorow, remplaçant le Liszt prévu (Après une lecture de Dante), par une pièce favorite de son répertoire mais moins connue du grand public, la Rhapsodie op.1 de Bartók, évidemment étincelante sous ses doigts ailés, qui faisaient sonner le piano d’une façon cristalline, totalement différente de celle d’Adam Laloum, et mettaient en valeur le caractère lisztien de l’écriture du jeune compositeur hongrois. Irrésistible, forcément, et ouvrant le rideau de façon vitaminée pour le clin d’œil final straussien évoqué plus haut.
Jacqueline Thuilleux
Parirs, Salle Cortot, le 15 mars 2024
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