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Alcina au Théâtre des Champs-Élysées - Mise en abyme - Compte-rendu
Alcina au Théâtre des Champs-Élysées - Mise en abyme - Compte-rendu
Alcina figure le tout premier opéra à avoir inauguré, par la grâce en son temps du gosier de Joan Sutherland, le retour éclatant des opéras de Haendel au répertoire à l’orée des années 1960. C’est donc une sorte de classique, qui a connu depuis lors de nombreuses interprétations, que marque cette venue au Théâtre des Champs-Élysées. Pour l’occasion, la production, reprise de celle de l’Opéra de Zurich créée en 2014, affiche un éventail de prestataires vedettes, parmi lesquels Cecilia Bartoli et Philippe Jaroussky.
Ce qui explique des représentations à guichet fermé, pour seulement quatre soirées. Toutefois, lors de la première, Julie Fuchs, autre vedette annoncée, souffrante, a dû déclarer forfait (bien qu’elle ait accompli son office lors de la générale deux jours auparavant). Elle donc a été remplacée, depuis la fosse, en toute dernière minute par Emőke Baráth, qui a pris l’avion de Berlin le jour même. Aléas du spectacle vivant…
Ce qui explique des représentations à guichet fermé, pour seulement quatre soirées. Toutefois, lors de la première, Julie Fuchs, autre vedette annoncée, souffrante, a dû déclarer forfait (bien qu’elle ait accompli son office lors de la générale deux jours auparavant). Elle donc a été remplacée, depuis la fosse, en toute dernière minute par Emőke Baráth, qui a pris l’avion de Berlin le jour même. Aléas du spectacle vivant…
© Vincent Pontet
Julie Fuchs n’en interprète pas moins le rôle de Morgana, mais en mimant le personnage, tel que l’a prévu la mise en scène de Christof Loy. Celle-ci verse dans la complexité de multiples lectures, avec au premier acte un plan surélevé de décorum baroque accueillant des danseurs dans des chorégraphies de même acabit, sur un dessous de scène avec des acteurs en habits d’aujourd’hui se préparant à faire leur entrée. Un second degré, et même un troisième degré avec la fosse où s’exprime la chanteuse remplaçante ! Une mise en abyme en quelque sorte, que confirmera la suite de la production. Aux deuxième et troisième actes, les arrière-plans baroqueux disparaissent, sauf quelques touches en rappel çà et là, ponctuées de déambulations en retrait de figurants façon théâtre dans le théâtre, pour une vision alors résolument contemporaine et dépouillée mais toujours opératique avec les chanteurs en devant de scène – trait remarquable et particulièrement louable. Les effets de magie, au final de cette trame de sorcellerie dans un Moyen Âge de fabulation (tiré de L’Arioste), deviennent simulés par de simples éclairs de lumières, alors que les protagonistes arborent des tenues et artifices actuels, avec pistolets en place de lances ou épées. Le tout s’insère dans des situations et mouvements impeccablement ajustés, comme la chorégraphie trépidante (réglée par Thomas Wilhelm) de six danseurs aux fins d’animer l’un des da capo sans fin. Ailleurs, toujours pour meubler ces mêmes longs arias, les protagonistes succombent aux déshabillages et habillages auxquels nombre de metteurs en scène ont trop souvent recours. Petite facilité, par ailleurs justifiée pour une Bradamante travestie d’homme en femme selon l’usage fréquent dans les livrets d’époque, mais qui ne saurait déparer un élan général assez saisissant.
Julie Fuchs n’en interprète pas moins le rôle de Morgana, mais en mimant le personnage, tel que l’a prévu la mise en scène de Christof Loy. Celle-ci verse dans la complexité de multiples lectures, avec au premier acte un plan surélevé de décorum baroque accueillant des danseurs dans des chorégraphies de même acabit, sur un dessous de scène avec des acteurs en habits d’aujourd’hui se préparant à faire leur entrée. Un second degré, et même un troisième degré avec la fosse où s’exprime la chanteuse remplaçante ! Une mise en abyme en quelque sorte, que confirmera la suite de la production. Aux deuxième et troisième actes, les arrière-plans baroqueux disparaissent, sauf quelques touches en rappel çà et là, ponctuées de déambulations en retrait de figurants façon théâtre dans le théâtre, pour une vision alors résolument contemporaine et dépouillée mais toujours opératique avec les chanteurs en devant de scène – trait remarquable et particulièrement louable. Les effets de magie, au final de cette trame de sorcellerie dans un Moyen Âge de fabulation (tiré de L’Arioste), deviennent simulés par de simples éclairs de lumières, alors que les protagonistes arborent des tenues et artifices actuels, avec pistolets en place de lances ou épées. Le tout s’insère dans des situations et mouvements impeccablement ajustés, comme la chorégraphie trépidante (réglée par Thomas Wilhelm) de six danseurs aux fins d’animer l’un des da capo sans fin. Ailleurs, toujours pour meubler ces mêmes longs arias, les protagonistes succombent aux déshabillages et habillages auxquels nombre de metteurs en scène ont trop souvent recours. Petite facilité, par ailleurs justifiée pour une Bradamante travestie d’homme en femme selon l’usage fréquent dans les livrets d’époque, mais qui ne saurait déparer un élan général assez saisissant.
© Vincent Pontet
Pour dire que les intervenants de la distribution se coulent à merveille dans leurs attributions. Et au premier chef, Cecilia Bartoli, grande tragédienne qui se donne entièrement à son personnage, Alcina profondément investie, ensorceleuse prise à son propre piège dans l’expression de ses tourments. Rien de la pose d’une diva – et ici comme il y en a peu – jetant sans embages son numéro ! Une forme aussi de respect du public. Il est vrai que la voix charnue se prête davantage à la douleur, avec des aigus pianissimo voluptueusement filés, qu’à la colère, où se notent quelques duretés qui le temps passant maintenant surgissent.
Philippe Jaroussky, comme on s’en serait douté, ne faillit pas à sa tâche, Ruggiero d’un phrasé délié de contreténor assuré jusque dans les ornements. Autre triomphatrice, Varduhi Abrahamyan campe une Bradamante de magnifique prestance, d’une émission ample servie d’un legato constant. Christoph Srehl campe un Oronte de belle allure. Quant à Emőke Baráth, elle lance de la fosse une projection vaillante, pour ce rôle de Morgana qu’elle démontre bien posséder à son répertoire.
Dans la fosse, toujours, l’Orchestre du Concert d’Astrée réagit en phase, dans des couleurs contrastées, sous la battue d’une mécanique aguerrie d’Emmanuelle Haïm. Les quelques solistes vocaux venus du Concert d’Astrée interviennent parfois avec des décalages. On pourrait aussi se plaindre de la coupure du petit rôle (travesti) d’Oberto, mais l’œuvre se destine déjà en son temps à ce genre de traitement, pour une durée ici de plus de trois heures (quatre, avec les deux entractes !) impétueusement menées. En une parfaite symbiose entre fosse, plateau et paraboles scéniques.
Pierre-René Serna
Pour dire que les intervenants de la distribution se coulent à merveille dans leurs attributions. Et au premier chef, Cecilia Bartoli, grande tragédienne qui se donne entièrement à son personnage, Alcina profondément investie, ensorceleuse prise à son propre piège dans l’expression de ses tourments. Rien de la pose d’une diva – et ici comme il y en a peu – jetant sans embages son numéro ! Une forme aussi de respect du public. Il est vrai que la voix charnue se prête davantage à la douleur, avec des aigus pianissimo voluptueusement filés, qu’à la colère, où se notent quelques duretés qui le temps passant maintenant surgissent.
Philippe Jaroussky, comme on s’en serait douté, ne faillit pas à sa tâche, Ruggiero d’un phrasé délié de contreténor assuré jusque dans les ornements. Autre triomphatrice, Varduhi Abrahamyan campe une Bradamante de magnifique prestance, d’une émission ample servie d’un legato constant. Christoph Srehl campe un Oronte de belle allure. Quant à Emőke Baráth, elle lance de la fosse une projection vaillante, pour ce rôle de Morgana qu’elle démontre bien posséder à son répertoire.
Dans la fosse, toujours, l’Orchestre du Concert d’Astrée réagit en phase, dans des couleurs contrastées, sous la battue d’une mécanique aguerrie d’Emmanuelle Haïm. Les quelques solistes vocaux venus du Concert d’Astrée interviennent parfois avec des décalages. On pourrait aussi se plaindre de la coupure du petit rôle (travesti) d’Oberto, mais l’œuvre se destine déjà en son temps à ce genre de traitement, pour une durée ici de plus de trois heures (quatre, avec les deux entractes !) impétueusement menées. En une parfaite symbiose entre fosse, plateau et paraboles scéniques.
Pierre-René Serna
Haendel : Alcina – Paris, Théâtre des Champs-Élysées, 14 mars ; prochaines représentations les 16, 18 et 20 mars 2018 // www.theatrechampselysees.fr/saison/opera/opera-mis-en-scene/alcina
Photo © Monika Rittershaus
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