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Alexander Paley au Festival Liszt en Provence – Le réinventeur - Compte-rendu

Au bout d’une longue allée une grande bâtisse chargée de mémoire, nichée au cœur d’un domaine viticole à quelques kilomètres d’Orange. Depuis quinze ans, le Château Saint Estève, à Uchaux, accueille chaque été un festival de piano fondé et dirigé avec passion par Thérèse Français. Le concert en plein air est la règle ici, sauf quand la météo en décide autrement… C’est donc dans l’orangerie qu’aura lieu le récital d’Alexander Paley. On a souvent dit dans ces colonnes à quel extraordinaire phénomène pianistique et musical l’on a affaire avec celui que Bella Davidovitch désigne comme son fils spirituel. Naturel, engagement, profusion d’idées : le pianiste d’origine moldave est de ces « réinventeurs » qui font de chaque concert un moment unique.

La Suite en la de Rameau, tirée des Nouvelles suites de Pièces de clavecin de 1728, le montre totalement à son aise dans un répertoire auquel on ne l’associe pas immédiatement. L’artiste avoue un amour immodéré pour toute la musique de l’auteur des Indes galantes : il se manifeste ici dans une interprétation où couleurs et chant règnent de la première à la dernière note. L’exploitation du potentiel expressif de l’instrument moderne (un Fazioli) va de pair avec une remarquable tenue stylistique. Année Rameau, 2014 approche ; Alexander Paley pourrait bien créer la surprise s’agissant de l’interprétation du musicien français au piano…

De la rare 1ère Sonate en ut majeur de Weber, gorgée de bel canto, A. Paley affirme toute la dimension lyrique. Le compositeur de théâtre est continûment présent en arrière-plan d’une lecture, contrastée, vivante, étonnée (délicieux humour du Menuetto !), et d’une virtuosité jamais vaine. On comprend l’admiration de Liszt pour Weber en cédant au vertige du Moto perpetuo final sous ces doigts inspirés !

Les Variations Abbeg de Schumann ouvrent la seconde partie et offrent une sacrée leçon de legato doublée d’une poésie et d’une fraîcheur juvénile pour le moins irrésistibles. « Sonate-Fantaisie », note Scriabine à propos de sa 2ème Sonate op 19. C’est bien l’aspect «fantaisie » qu’A. Paley privilégie dans une interprétation rendue plus saisissante encore par la touffeur ambiante. Couleurs foisonnantes, main gauche tantôt caressante, tantôt menaçante, étonnamment « agissante » dans tous les cas ; on est saisi par les contrastes et le mystère d’une conception qui comprend que, derrière le postromantisme de l’harmonie, le « premier » Scriabine est déjà… du Scriabine !

« J’ai eu du mal à trouver un pianiste qui accepte de jouer le Grand Galop chromatique de Liszt », confie Thérèse Français. Alexander Paley ne sera pas fait beaucoup prier pour l’inscrire à son programme. Après un Sonnet de Pétrarque n°47 d’une frémissante beauté, il attaque le coruscant morceau de la plus sidérante manière. Dehors l’orage éclate, ajoutant à l’ivresse dans laquelle se conclut le récital. L’illustre Campanella et la 10ème Rhapsodie hongroise de Liszt, données en bis, couronnent une soirée que les fidèles de Liszt en Provence ne sont pas près d’oublier.

Le 16ème Festival se poursuit jusqu’au 21 septembre ; si une occasion d’y faire halte se présente à vous, ne la manquez surtout pas ! Quant à Alexander Paley, on attend avec impatience son récital Tchaïkovski/Rachmaninov, le 6 décembre prochain à Gaveau.

Alain Cochard

Uchaux, Orangerie du Château Saint Estève, 28 juillet 2013

Prochains concert du 16ème Festival Liszt en Provence les 7 août (Tristan Pfaff), 11 août (David Guerrier/Olivier Moulin), 16 août (Martina Filjak), 23 août (Philippe Giusano) et 21 septembre (Yury Martinov) / www.liszt-en-provence.com

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Photo : DR
 

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