Journal

Andrea Chénier à la Bastille

Andrea Chénier fut la vraie chance d’Umberto Giordano. Après trois échecs (Marina, Mala Vita, Regina Diaz) il encourait les foudres de son éditeur Sonzogno qui menaçait de résilier son contrat. Certain de la valeur de son protégé, Alberto Franchetti renonça à mettre en musique le livret que Luigi Illica venait de lui trousser : Giordano hérita ainsi d’un des plus parfaits textes du vérisme ; mêlant habilement sphère privée et tumulte historique, offrant trois rôles puissamment caractérisés et une étonnante galerie de portraits.

Le succès de l’ouvrage ne se démentit pas, vite relayé par Arturo Toscanini dès les représentations de Turin (l’œuvre avait été créée à la Scala le 28 mars 1896) lequel pourtant ne devait plus redonner l’ouvrage. La création scaligère fut brillamment défendue par un trio de fins musiciens, Giuseppe Borgatti, le Siegfried de Toscanini, (remplaçant au pied levé Alfonso Carulli), Avelina Carrera, fameuse soprano espagnole dont on louait les qualités de tragédienne, et un chanteur d’une culture extrême pour Gérard, Mario Sammarco. Depuis l’opéra a fait le tour du monde, attirant les plus belles voix. Gigli, Muzio (ou Rethberg, puis Ponselle) et Danise, Cigna, Lauri-Volpi et Stracciari (ou l’inoubliable Apollo Granforte), toute une certaine tradition qui se cristallisa dans les lectures enflammées qu’en proposèrent durant plus d’une décennie Mario del Monaco et Renata Tebaldi. La partition de Giordano atteignit pourtant à une dimension nouvelle par la seule incarnation que Maria Callas donna de Maddalena à la Scala en 1954. D’autres grandes Maddalena (Scotto, Kabaivanska, Caballé), des André pas moins athlétiques (Corelli) mais parfois plus poètes (Pavarotti) ont maintenu la popularité de l’ouvrage jusqu’à nos jours sinon en France où sa critique acerbe de la Révolution l’a maintenu loin des théâtres parisiens - alors que la province, à commencer par Lyon, lui rendra régulièrement justice.

Qu’Andrea Chénier paraisse aujourd’hui sur la scène de Bastille est donc hautement symbolique, d’autant que Nicolas Joel a assemblé une distribution de premier ordre. On espère beaucoup du Chénier nécessairement poète de Marcello Alvarez, dont la voix subtile jusque dans l’héroïsme semble coller à la typologie vocale du rôle et gageons que Micaela Carosi sera pour le public parisien une révélation. Daniel Oren à la baguette, fin musicien mais aussi ardent stratège du drame, Montiel pour Madelon, des silhouettes habilement distribuées et la mise en scène fatalement classique de Giancarlo del Monaco honoreront l’un des meilleurs exemples du vérisme.

Jean-Charles Hoffelé

Umberto Giordano : Andrea Chénier - Opéra Bastille, Paris, les 3, 6, 9, 12, 15, 18, 21 et 24 décembre 2009

Vous souhaitez répondre l’auteur de cet article ?

Programme et réservation pour l’Opéra Bastille

Lire les autres articles de Jean-Charles Hoffelé

Photo : Opéra national de Paris/ Ch. Leiber
 

Partager par emailImprimer

Derniers articles